Ralenties par la crise budgétaire à Washington, les négociations entre les États-Unis et l'Union européenne sur un traité de libre-échange reprendront le 11 novembre à Bruxelles, dans un climat assombri par le scandale de l'espionnage américain.

Annoncé lundi de part et d'autre de l'Atlantique, ce second round de discussions aurait dû initialement se tenir à la mi-octobre mais la fermeture partielle de l'administration américaine, le fameux «shutdown», avait chamboulé ce calendrier et conduit à un report sine die.

Les débats au siège de la Commission, prévus jusqu'au 15 novembre, devraient brasser large et couvrir les «services, l'investissement, l'énergie et les matières premières, ainsi que les questions de régulation», précisent, dans des communiqués distincts, la Commission européenne et la représentation américaine au Commerce extérieur (USTR).

Dans leur communiqué, les Européens soulèvent un point qui n'est pas mentionné côté américain. Selon eux, les discussions sur la question très sensible des marchés publics, partiellement fermés à la concurrence étrangère aux États-Unis, ont eu lieu «avant» la crise budgétaire américaine.

«Zones de divergence»

Ce n'est pas le seul point litigieux de ces débats qui visent à créer une des plus importantes zones de libre-échange sur le globe en éliminant les barrières douanières, déjà faibles entre les deux blocs (4% de droits de douane en moyenne), et surtout réglementaires.

Précédé de crispations européennes autour de l'exception culturelle française, pour l'heure exclues des négociations, le premier round en juillet à Washington avait déjà identifié des «zones de divergence» notamment sur l'agriculture, de l'aveu même du négociateur européen.

Les récentes révélations sur l'ampleur de l'espionnage pratiqué par l'agence de sécurité nationale de sécurité américaine (NSA) dans plusieurs pays européens, dont la France et l'Allemagne, n'arrangent rien.

En visite à Washington la semaine dernière, la vice-présidente de la Commission européenne Viviane Reding a sommé les Américains d'agir «en urgence» pour rétablir la confiance entre les deux blocs alliés.

L'USTR avait tenté d'éteindre l'incendie en estimant qu'il serait «malheureux» que ces questions, «aussi importantes soient-elles», ne détournent les deux parties de leur objectif commun.

Le scandale de l'espionnage, qui avait déjà menacé de faire dérailler le coup d'envoi des négociations en juillet, devrait cette fois mettre en lumière la question de la protection des données personnelles sur Internet.

«Les révélations sur les activités des agences des renseignement américaines en Europe et les dégâts qu'elles ont causés ont suscité un regain d'attention sur ces questions», a indiqué Mme Reding.

La Commission, chargée des négociations au nom des États-membres, refuse que les données des utilisateurs d'internet soient incluses dans le champ des négociations sur le libre échange, de peur qu'elles soient utilisées à des fins commerciales par les géants américains de l'Internet.

La protection des données «pourrait facilement faire dérailler» les discussions, a averti Mme Reding, par ailleurs commissaire européenne à la Justice.

Chacune des parties refuse toutefois de dévoiler officiellement le mandat précis des négociations et les questions sur lesquelles elles sont ouvertes à la discussion.

Mi-octobre, les ministres européens du Commerce n'étaient eux-mêmes pas parvenus à se mettre d'accord pour autoriser la publication du mandat confié à la Commission, au grand dam de la France qui appelait à la transparence pour ne pas négocier «dans le dos de la société civile».

Dans ce contexte, l'issue des discussions transatlantiques semble être un horizon lointain alors que l'échéance de fin 2014 était encore évoquée il y a quelques mois.

Fin septembre, le ministre français de l'Économie Pierre Moscovici a prévenu que les discussions allaient s'étaler sur «plusieurs années».

Les seuls échanges de biens entre les États-Unis et l'Union européenne se sont élevés à 646,6 milliards de dollars en 2012, en hausse de 1,5% sur un an.