Les entreprises québécoises ont souvent tendance à penser à la France pour leur première expansion à l'extérieur de l'Amérique du Nord. Mais pourquoi ne pas opter pour Londres, l'une des plaques tournantes du commerce mondial?

Plus de 110 entreprises québécoises possèdent actuellement un bureau au Royaume-Uni. Le délégué général du Québec dans la capitale britannique, Stéphane Paquet, veut accroître ce nombre. «Être ici, c'est être au coeur du monde», lance-t-il au cours d'un entretien avec La Presse Affaires.

L'ancien journaliste fait remarquer que les places financières asiatiques sont encore ouvertes quand les transactions démarrent à la Bourse de Londres. Et celle-ci est encore ouverte lorsque les parquets nord-américains lancent leurs activités. L'an dernier, le New York Times a publié un article intitulé «London Is Eating New York's Lunch» dans lequel on soutenait que Londres est une ville plus internationale que la métropole américaine.

L'intérêt de Londres va bien au-delà du secteur financier, note M. Paquet. «Les entrepreneurs du domaine culturel me parlent beaucoup des avantages de Londres, dit-il. Quand ils présentent un spectacle ici, c'est une bonne partie du monde entier qui le voit parce qu'il y a des producteurs de partout dans la salle. Ça ouvre des marchés au-delà de la Francophonie.»

Stéphane Paquet rappelle que les Québécois connaissent mieux le Royaume-Uni qu'ils ne le soupçonnent. «Le Canada fait partie du Commonwealth et nous sommes familiers avec le système juridique britannique.»

La délégation générale du Québec à Londres se plaît à jouer le rôle d'"entremetteur" entre les entreprises québécoises et les intervenants britanniques. Il lui arrive même de prêter un de ses bureaux pendant quelques heures à un entrepreneur de passage!

La Presse raconte l'expérience de deux Québécois et d'un Français vivant à Londres:

Yoland Cadieux

Directeur général du bureau de Londres, Banque Nationale du Canada

«Le bureau a été ouvert il y a plus de 30 ans, à l'époque de Lévesque Beaubien [courtier racheté par la Banque en 1988]", relate M. Cadieux, qui dirige les activités londoniennes de l'institution depuis trois ans et demi. La Banque a aussi pignon sur rue à Paris, mais elle vient de fermer son bureau de Genève. Ses activités ont été rapatriées à Londres.

La présence de la Banque Nationale dans la capitale britannique vise deux objectifs principaux: trouver de nouvelles sources de dépôts pour diversifier son approvisionnement en fonds et internationaliser davantage ses ventes d'obligations émises par les gouvernements canadiens.

L'arrivée de Yoland Cadieux à Londres a coïncidé avec la volonté de la haute direction d'accroître les activités internationales de la Banque. Les résultats sont au rendez-vous: en trois ans, le nombre de clients et le chiffre d'affaires du secteur des titres à revenu fixe institutionnels ont plus que quadruplé à partir du bureau de la City. L'effectif a suivi: le nombre total d'employés y est passé de 20 à 25 depuis 2009.

À l'instar de ses rivales torontoises, la Banque Nationale profite de l'engouement pour les institutions financières canadiennes qui s'est développé dans la foulée de la crise de 2007-2008. «Les banques centrales et les gestionnaires de fonds cherchent des contreparties solides», relève M. Cadieux.

Laurent Boninfante

Directeur général Europe, Moyen-Orient, Afrique et Asie, Acquisio

Le Français d'origine vit à Londres depuis une douzaine d'années. Il est à l'emploi de la firme québécoise Acquisio depuis plus de deux ans, après avoir travaillé pour des concurrents. Acquisio commercialise une plateforme qui aide les agences de publicité à gérer leurs campagnes en ligne.

«Le Royaume-Uni est le premier marché européen pour la publicité en ligne, autant en ce qui concerne les budgets que la sophistication des gens qui pratiquent ce métier», explique M. Boninfante.

«On a calqué notre modèle sur celui d'autres sociétés dans notre secteur, précise-t-il. L'idée, c'est d'ouvrir un premier bureau à Londres, et puis, en fonction du volume d'affaires, d'en ouvrir un second dans un autre pays, généralement l'Allemagne ou la France. Après, on progresse selon la taille des affaires provenant de chaque pays.»

Londres présente deux autres avantages à ses yeux: il est relativement facile de recruter du personnel qualifié parlant anglais et d'obtenir les autorisations requises.

«Ce que le Royaume-Uni fait très bien, c'est de faciliter la vie des entreprises étrangères qui veulent s'installer sur son territoire, affirme Laurent Boninfante. Le droit du travail y est aussi plus léger, plus facile à négocier pour les sociétés nord-américaines qu'il peut l'être en Espagne ou en France.»

François-Bernard Poulin

Directeur principal, développement des affaires, BTG Pactual

Après avoir travaillé à Londres pour Fasken Martineau et des cabinets d'avocats américains, M. Poulin travaille pour la banque d'investissement brésilienne BTG Pactual depuis 2011.

«Chaque semaine, je trouve une raison de plus de prolonger mon séjour à Londres, que ce soit sur le plan professionnel ou personnel, raconte-t-il. Il y a toujours des rencontres qui sortent de l'ordinaire, de l'inattendu.»

D'innombrables investisseurs et entrepreneurs faisant affaire avec l'Europe, le Moyen-Orient, l'Afrique et l'Asie sont établis à Londres ou s'y rendent régulièrement, ce qui fait de la ville un lieu de rendez-vous populaire. «La plupart des grandes destinations, que ce soit São Paulo, Los Angeles ou Pékin, sont accessibles par des vols directs de 12 heures ou moins», souligne le financier.

Comme tout le monde, il aime bien aller à Paris, mais pas forcément pour les affaires. «Pour un Québécois, c'est intéressant parce qu'on y parle français, convient-il. Mais c'est très franco-français, c'est beaucoup moins international que Londres.»

Reste un inconvénient qui finit par peser avec les années pour n'importe quel Nord-Américain vivant en Europe: l'espace restreint. «Chaque fois que je reviens du Québec, je trouve mon appartement à Londres un peu petit», admet François-Bernard Poulin.