Les grands pays émergents ont mis en garde samedi contre les effets néfastes d'une anticipation sur les marchés d'une réduction des injections de liquidités de la Réserve Fédérale américaine (Fed).

Ces nations sont en effet les plus concernées. Depuis plusieurs mois, une telle anticipation a provoqué un mouvement de reflux de capitaux hors de leurs marchés, plombant leur monnaie et déstabilisant leur économie. Brésil, Turquie et Inde ont notamment connu d'importantes secousses.

La veille, à l'issue d'une réunion de deux jours à Washington, les pays industrialisés et émergents du G20 avaient utilisé un langage plus convenu pour appeler la Fed à réduire ses injections de liquidités de manière «ordonnée» et en usant d'une communication «claire».

Mais samedi, les grands émergents ont durci le ton, profitant de la tribune offerte par l'assemblée générale du Fonds monétaire international qui s'achève à Washington.

Ces craintes ont été entendues puisque dans son communiqué publié samedi, l'instance politique du FMI (Comité monétaire et financier international, CMFI) mentionne que le changement de cap monétaire aux États-Unis devait se faire «au bon moment». La Fed avait renoncé à franchir le pas lors de sa dernière réunion de politique monétaire mi-septembre.

La nuance est symbolique, mais elle marque une évolution par rapport à la précédente prise de position du CMFI sur la question en avril où il n'avait fait aucune mention d'un calendrier.

Les grands pays émergents ne se sont pas arrêtés là et ont chacun délivré leur petite pique contre la politique monétaire américaine dans leurs discours devant le CMFI.

Par la voix du vice-gouverneur de sa banque centrale, la Chine a critiqué le recours même aux mesures accommodantes que la Fed déploie depuis 2008 pour soutenir l'activité aux États-Unis.

«Davantage d'attention devrait être portée aux risques associés à une utilisation prolongée» de cette politique, a déclaré Yi Gang.

«Les politiques monétaires accommodantes ne font qu'accorder un peu de répit et ne peuvent se substituer aux nécessaires réformes structurelles et aux ajustements politiques», a déclaré le responsable dans son discours.

Le ministre indien des Finances, Palaniappan Chidambaram a quant à lui centré ses inquiétudes sur la levée progressive de ces mesures. «Les développements récents sur les marchés financiers ont provoqué des inquiétudes sérieuses sur la fin ordonnée des politiques monétaires non conventionnelles», a estimé Palaniappan Chidambaram.

Autre pays émergent membre des Brics, la Russie s'est jointe à l'offensive en assurant que la politique de la Fed causera des dommages, quelle que soit son issue.

«Une sortie des politiques monétaires non conventionnelles, même si elle était conduite très prudemment et progressivement, va provoquer un ajustement du prix des actifs» et «une volatilité accrue sur les marchés financiers», a affirmé le ministre russe des Finances, Anton Siluanov.

Plusieurs États européens ont également fait part de leurs préoccupations devant l'instance dirigeante du FMI, adoptant toutefois un ton plus modéré.

S'exprimant au nom de sept autres pays (Turquie, Slovaquie...), Ewald Nowotny, gouverneur de la Banque centrale autrichienne et membre du conseil des gouverneurs de la Banque centrale européenne (BCE), a appelé la Fed à engager un «dialogue international» afin de «minimiser» les retombées de sa politique, sous-entendant que ce «dialogue» était pour l'heure au minimum insuffisant.

Mi-septembre, la Fed avait assuré qu'elle surveillait «de près» la situation des pays émergents, mais a toujours clamé que sa politique de soutien de la reprise américaine leur était indirectement favorable.

«Une économie américaine plus forte est une des meilleures choses qui pourraient aider les économies des pays émergents», avait déclaré mi-septembre le président sortant de la Fed, Ben Bernanke.