D'ici 2030, les salaires dans les pays émergents vont connaître une hausse significative, selon de nouvelles études, ce qui oblige les multinationales à revoir leurs stratégies. Une solution retenue par plusieurs d'entre elles: déplacer la production aux États-Unis.

C'est difficile à croire en voyant toutes ces étiquettes «Made in China» dans les magasins ces jours-ci. Mais en moins de 20 ans, la Chine pourrait devenir trop chère pour y produire.

Une étude réalisée par la firme PricewaterhouseCoopers (PwC) avance que d'ici à 2030, la Chine sera un marché de consommation plutôt qu'une immense usine desservant le monde, comme c'est le cas aujourd'hui.

En cause: l'augmentation des salaires qui, combinée à la hausse des monnaies étrangères et à une faible productivité, laisse croire que les usines en Chine et dans certains pays émergents perdront leur avantage concurrentiel.

À titre d'exemple, le salaire mensuel moyen en Chine pourrait atteindre 2057$US à l'horizon de 2030, contre 523$US aujourd'hui, et représenter la moitié du salaire moyen en Espagne. Ajoutez les frais de transport, le taux de change, les écarts de productivité... et "adios" l'avantage des usines chinoises.

L'Inde est un autre exemple frappant des changements pressentis: si le salaire moyen en Inde est actuellement 28 fois inférieur à celui de la France, vers 2030, ce ratio ne sera plus que de 8.

Même constat pour le Mexique face aux États-Unis, avec des salaires 7 fois inférieurs actuellement, mais dont l'écart se réduirait à moins de 4 en 2030.

«Made in America»

Résultat de cette évolution, les entreprises vont devoir réviser leurs stratégies. Comme le souligne PwC, certaines seront ainsi amenées à relocaliser des activités de production dans leurs pays d'origine.

Or, d'autres études indiquent que ce retour aux sources est déjà en cours aux États-Unis.

Une nouvelle enquête du Boston Consulting Group (BCG) montre que plusieurs groupes américains constatent qu'il est de plus en plus avantageux d'apposer une étiquette «Made in America» sur leurs produits.

Si bien qu'un peu plus de la moitié des dirigeants de grandes entreprises américaines (revenus de 1 milliard US ou plus) songent à rapatrier aux États-Unis une partie ou la totalité de leur production depuis la Chine. Cela se compare à un taux de 37% il y a 1 an.

D'ailleurs, 21% des répondants au sondage BCG sont déjà en train de transférer leur production, contre 10% au début de 2012.

«Au cours des 40 dernières années, les emplois manufacturiers ont migré des pays dont les coûts de production sont élevés vers des pays à faible coût. Mais le pendule est train de basculer dans l'autre direction», affirment les auteurs du rapport.

Le patriotisme américain n'a rien - ou très peu - à voir avec cette décision. Productivité oblige, les États-Unis sont en train de devenir l'un des pays développés où les coûts unitaires de fabrication sont parmi les plus faibles. BCG maintient que ces coûts en Italie, en Allemagne ou en France seront en fait de 8 à 18% plus élevés qu'aux États-Unis d'ici 2015.

La baisse de la facture énergétique, dans la foulée du boom du gaz/pétrole de schiste dans le Midwest, contribue également à rendre le pays de Barack Obama une terre plus attirante pour les grands fabricants.

Diverses études le confirment régulièrement: la compétitivité américaine s'accroît depuis des années, si bien que les exportations des États-Unis sont à un sommet historique cette année. Et ce n'est pas fini. Toujours selon BCG, qui se base sur plusieurs données, les Américains pourraient ravir, d'ici à 2020, de 70 à 150 milliards US d'exportations à leurs concurrents, surtout d'Europe et du Japon.

Plusieurs géants mondiaux, dont Toyota, Airbus, Siemens ou Rolls-Royce, ont annoncé depuis un an des investissements majeurs pour accroître leur production aux États-Unis.

Un problème majeur pourrait cependant freiner «le comeback» manufacturier américain: l'absence de main-d'oeuvre. Un récent reportage du New York Times fait état de ce problème dans le secteur américain des textiles qui, malgré sa renaissance dans certains États, a des difficultés à trouver des travailleurs.

Évidemment, on verra avec le temps si les prévisions de PwC et BCG se réaliseront complètement. Reste qu'au fil des ans, on peut au moins s'attendre à un rapport de forces plus équilibré entre les économies développées et les pays émergents.