Montrée du doigt en 2012 comme un vilain petit canard en zone euro, l'Espagne semble à nouveau séduire les marchés, mais ses modestes perspectives économiques la rendent encore fragile, préviennent des analystes.

«Viva España», s'exclame la banque Morgan Stanley dans une note récente, recommandant d'acheter des obligations espagnoles.

Onze mois plus tôt, la maison de courtage Link Securities définissait le pays comme «le +grand problème+ de la région». Car alors, les marchés faisaient pression sur Madrid pour demander, en plus de l'aide européenne pour ses banques, un sauvetage global de son économie, comme le Portugal ou la Grèce.

«L'an dernier (...) on essayait de ne pas voir les rapports d'analystes pour ne pas se déprimer», confiait mercredi Antonio Carrascosa, directeur du Frob, le fonds de restructuration bancaire.

«Maintenant c'est le contraire», se réjouit-il, car «nous sommes face au début de la reprise».

Certains chiffres sont édifiants: fin juillet 2012, le taux d'emprunt à dix ans de l'Espagne dépassait les 7,5%, record depuis la création de l'euro et niveau jugé insoutenable. Il est aujourd'hui autour de 4,4%. Le Trésor a déjà bouclé plus de 80% de son programme de financement pour 2013.

La Bourse madrilène est elle aussi à la fête et vient de franchir la barre symbolique des 9000 points, qu'elle avait quittée en octobre 2011.

«Les doutes (sur le pays) qui étaient en Une de la presse mondiale, il y a un peu plus d'un an, ont disparu», veut croire M. Carrascosa.

«L'activité économique espagnole repart, portée par des exportations solides», écrit Morgan Stanley.

La banque ne tarit pas d'éloges sur la quatrième économie de la zone euro: «En termes de réformes structurelles, l'Espagne semble certainement, par rapport à ses voisins, un cas exemplaire de progrès dans des domaines comme le secteur financier, le marché du travail et le cadre budgétaire».

Pour le ministre des Finances Luis de Guindos, c'est un clair «changement de perception» des marchés: «L'Espagne, il y a un an, était un problème pour l'économie européenne et pour l'économie mondiale», désormais «ce n'est pas le cas».

Le pays, en récession depuis deux ans, devrait en sortir ce trimestre, mais le ministre reste prudent: «Cela ne veut pas dire que (l'économie espagnole) est sortie de la crise».

Car d'autres analystes sont encore très modérés.

«Nous attendons de voir», dit Fergus Mc Cormick, responsable des notes souveraines à l'agence de notation DBRS, qui attribue au pays la note A- avec perspective négative.

«Nous sommes vraiment en attente de signes de progrès, à moyen terme, dans trois domaines»: la réduction du déficit public, à 6,5% du PIB en 2013 puis 5,5% en 2014, la création d'emploi, pour réduire le chômage record (26,3%), et «les réformes structurelles, dans lesquelles l'Espagne a fait beaucoup de progrès, mais a encore beaucoup à faire, surtout dans le marché du travail».

Quant au secteur bancaire, fragilisé par l'éclatement de la bulle de la construction en 2008, il a certes été assaini grâce aux 41,3 milliards d'euros d'aide européenne, mais «la grande inquiétude est la stabilité du marché immobilier», avec encore un million de logements invendus, ce qui pèse sur les bilans des banques, dont les créances douteuses grimpent.

Même prudence chez Jésus Castillo, spécialiste de l'Europe du Sud chez Natixis: «le problème bancaire est sous contrôle, mais pas encore entièrement résolu».

«De toute façon, il ne se passera rien tant qu'il n'y aura pas des perspectives un peu meilleures pour l'économie», dit-il. Le gouvernement ne table que sur une croissance de 0,5% en 2014, puis 1% en 2015, avec un chômage autour de 25% jusqu'en 2016.

«C'est une économie encore très fragile et qui va dépendre énormément d'éléments de confiance qui vont faire que le cycle d'investissement reparte ou pas», prédit Jésus Castillo.

Fergus Mc Cormick est du même avis: «le risque est que s'il y a un choc, en Espagne ou à l'extérieur, qui déstabilise le marché financier et augmente les taux d'intérêt pour l'Espagne, cela pourrait être une source d'inquiétude», avec une dette publique à 92,2% du PIB, contre 36,3% en 2007.