Les feux d'artifice qui ont marqué l'entrée de la Croatie dans l'Union européenne se sont éteints et le tout nouveau membre du bloc s'est retrouvé un mois après, sans surprise, face aux cruelles réalités de son économie sinistrée.

L'adhésion à l'UE le 1er juillet a certes marqué une rupture symbolique avec l'héritage de la guerre d'indépendance (1991-95) de l'ex-Yougoslavie qui a fait 20 000 morts.

Mais aujourd'hui, la plupart des 4,2 millions d'habitants s'efforcent de joindre les deux bouts tandis que les perspectives de redressement de l'économie, en récession depuis 2008, restent sombres.

Un Croate sur cinq est sans emploi, alors que le chômage dépasse chez les jeunes le taux de 50% - soit plus du double de la moyenne de 23% dans l'UE. Seules la Grèce et l'Espagne enregistrent de pires résultats.

La routine de Kristina Basnec, 25 ans, une enseignante en musique récemment diplômée, consiste à lire les offres d'emplois dans les journaux et à se rendre quotidiennement à l'Agence pour l'emploi à Zagreb.

«La chose la plus importante, c'est maintenant de faire démarrer l'économie et de créer des emplois», dit-elle, souhaitant trouver rapidement du travail.

La Croatie écoule environ 60% de ses exportations vers le marché européen, mais la crise économique qui touche nombre de pays de l'UE ne laisse aucun espoir d'embellie.

L'économie croate dépend largement du tourisme sur la côte adriatique.

Pourtant, l'entrée dans l'UE pourrait, paradoxalement, entraver ce secteur, la Croatie étant contrainte d'imposer un régime de visas pour les citoyens des pays qui ne sont pas membres du bloc -- notamment les Russes et les Turcs.

Encore récemment, l'agence de notation Standard & Poor's a ramené la perspective attachée à la note de la Croatie de «stable» à «négative».

L'agence a estimé que les avantages économiques de l'entrée dans l'UE «seront limités par des défis structurels, des contraintes politiques lors des réformes budgétaires, un lourd endettement aux bilans des secteurs public et privé, ainsi que par un environnement extérieur défavorable».

Les institutions financières internationales ont à plusieurs reprises souligné que la Croatie devait améliorer l'environnement des affaires, augmenter sa compétitivité et mettre en oeuvre une réforme de son pléthorique secteur public.

Pour le ministre des Finances, Slavko Linic, la réaction de S&P est «un message au gouvernement d'accélérer les réformes et renforcer le processus de restructuration des entreprises publiques».

Le gouvernement croate mise sur une faible croissance cette année, tandis que les analystes estiment que le Produit intérieur brut (PIB) pourrait se contracter de 1%.

Le PIB croate est de 39% inférieur à la moyenne européenne, seules la Roumanie et la Bulgarie en affichent un plus faible.

Le gouvernement croate a récemment entamé le processus de privatisation de sa banque nationale, de la plus importante compagnie d'assurances, ainsi que de l'entreprise de transport ferroviaire de marchandises, pour tenter de diminuer le déficit budgétaire et réduire la dette publique qui frôle les 60% du PIB.

Il projette également de céder le contrôle de son réseau de plus de 1000 kilomètres d'autoroutes pour une période de 50 ans afin de rembourser les prêts engagés pour sa construction.

M. Linic a indiqué que ces mesures étaient nécessaires pour éviter la «faillite» du pays, alors que le déficit a atteint 3,4% du PIB lors des six premiers mois de 2013.

«Avec les revenus des privatisations, le gouvernement pourrait couvrir le déficit budgétaire, mais il réapparaîtra l'année prochaine car des réformes structurelles n'ont pas été mises en oeuvre», a mis en garde l'analyste économique Damir Novotny.

Le gouvernement a pris des mesures de lutte contre l'économie souterraine qui, selon des estimations, représente près d'un tiers du PIB.

Zagreb a renforcé le contrôle des transactions en liquide afin de réduire l'évasion fiscale, en introduisant, entre autres, des caisses enregistreuses dans les marchés en plein air, un geste dénoncé par les commerçants.

Pour devenir membre de l'UE, la Croatie s'est engagée à combattre la corruption et son ancien Premier ministre, Ivo Sanader, a été condamné à 10 ans de prison pour avoir touché des pots-de-vin.

Mais il reste beaucoup à faire dans ce domaine, l'organisation Transparency international mettant en garde contre une présence importante de la corruption dans l'administration et les services publics.