Le gouvernement britannique a donné mercredi le coup d'envoi de la privatisation du groupe postal Royal Mail, qui sera la plus importante depuis la grande vague de l'époque Thatcher et Major.

S'exprimant à la mi-journée devant les députés, le ministre du Commerce Vince Cable a détaillé le projet prévu depuis 2011 en indiquant que le gouvernement céderait, d'ici la fin de l'année budgétaire fin mars 2014, une «part majoritaire» du Royal Mail à travers son introduction à la Bourse de Londres et l'attribution gratuite de 10% des actions aux 150 000 salariés.

«Le temps est désormais venu pour le gouvernement de prendre du recul par rapport au Royal Mail, de permettre à ses dirigeants de se concentrer corps et âme sur la croissance de l'entreprise et de planifier son avenir. Il est temps désormais pour les salariés de détenir une part de l'entreprise et de partager son succès», a-t-il ajouté.

Destinée à «mettre l'avenir du Royal Mail sur des bases viables», cette privatisation donnera au groupe «la véritable liberté commerciale dont il avait besoin depuis longtemps», a estimé le libéral-démocrate.

Les bureaux de poste, qui dépendent d'une société séparée (Post Office), resteront eux dans le giron du public.

Le premier ministre David Cameron a assuré de son côté qu'il y avait «un large soutien dans le pays à la modernisation de ce service public».

M. Cable n'a en revanche pas indiqué quel pourcentage précis du capital de Royal Mail serait cédé à la Bourse de Londres - dans le cadre d'une introduction dont une partie sera réservée aux particuliers -, préférant «conserver de la flexibilité» en fonction des conditions de marché et de la demande des investisseurs.

Une part de l'introduction en Bourse sera réservée aux particuliers tandis que les salariés du Royal Mail, qui devront conserver durant trois ans les actions qu'ils recevront gratuitement, seront prioritaires s'ils veulent acheter des titres lors de la mise du groupe sur le marché.

Selon les médias britanniques, l'État, qui peine à réduire le déficit public malgré sa cure drastique d'austérité, devrait conserver une part de 49% du Royal Mail, qui devrait être valorisé à près de 3 milliards de livres, soit environ 4,7 milliards de dollars.

Cette opération constituera la privatisation la plus importante au Royaume-Uni depuis la grande vague des années 1980 et 1990 sous Margaret Thatcher et John Major, qui a touché notamment l'énergie (British Gas), les télécommunications (British Telecom) ou le transport ferroviaire (British Rail).

Royal Mail «a été complètement remis sur pieds ces deux ou trois dernières années» après des années de pertes «et il est désormais prêt à prendre sa place comme l'une des grandes entreprises britanniques», avait expliqué dans la matinée le secrétaire d'État au Commerce Michael Fallon sur la BBC radio 4.

Tiré par l'augmentation des envois par colis entraînée par le succès du commerce en ligne ainsi que par des réductions de coûts et la hausse du prix des timbres, le bénéfice après impôts du groupe a en effet bondi à 566 millions de livres sur l'exercice annuel achevé fin mars contre 149 millions un an plus tôt.

Malgré les assurances du gouvernement sur le maintien de l'obligation de service universel, inscrite dans la loi, et des conditions de travail, les syndicats sont vent debout contre cette privatisation, soutenus par le parti travailliste qui avait tenté pourtant de privatiser le Royal Mail sous Gordon Brown avant d'enterrer le projet en 2009.

«Une privatisation serait un retour aux vieilles politiques des années 80», a lancé Billy Hayes, patron du CWU, syndicat représentant deux tiers des salariés de Royal Mail qui a menacé d'une grève tandis que le syndicat Unite a parlé d'un «vol en plein jour».