C'est auréolé de ses succès au Canada - et de la bonne performance globale du pays - que Mark Carney arrivera à la BdA le 1er juillet. Les attentes sont élevées, car la reprise économique tient ici à un fil.

La Grande-Bretagne a évité de justesse sa troisième récession en cinq ans au premier trimestre de 2013 - le fameux «triple dip» - et les perspectives de croissance sont anémiques (voir autre texte). Les entreprises qui vont bien, comme McCarthy Tétrault, font souvent une bonne partie de leur chiffre d'affaires à l'extérieur du pays.

Dans ce contexte de morosité, on mise gros sur le Canadien de 48 ans pour injecter de l'adrénaline dans l'économie au besoin, ou mettre la pédale douce si cela devait s'avérer nécessaire. Stephen Gifford, directeur de l'analyse économique à la Confederation of British Industry, est confiant.

«La vraie question est: qu'est-ce que Mark Carney amène à la table? Il amène de la confiance, et il amènera une confiance accrue envers les politiques macroéconomiques du gouvernement, dit-il en entrevue à La Presse. On pense qu'il agira dans la continuité des mesures actuelles, mais si l'économie se détériore, il devra songer à des mesures d'assouplissement quantitatif.»

David Kern, économiste en chef de la British Chambers of Commerce, salue lui aussi l'arrivée de Carney en remplacement de Mervyn King. Le mandat du Canadien sera marqué par de très nombreux défis, ajoute-t-il, entre le contrôle de l'inflation, la stimulation de l'économie et de possibles mesures pour dévaluer la livre sterling en vue de relancer les exportations du pays.

M. Kern s'oppose toutefois net à la dévaluation de la monnaie préconisée par certains ici. «Je pense que les dommages en terme d'inflation accrue pourraient être plus graves que les gains qu'on ferait sur les exportations, et il y a un risque d'affecter ainsi l'économie intérieure», souligne-t-il à La Presse Affaires.

L'économiste ajoute que Mark Carney n'aura pas les coudées franches en raison de la structure de fonctionnement différente de la BdA par rapport à la Banque du Canada. Ici, chacun des neuf membres du puissant Monetary Policy Committee (MPC) de la banque centrale se prononce sur les décisions importantes.

«M. Carney a une très bonne réputation, mais il faut comprendre qu'avec la structure du MPC, c'est un vote par personne, souligne M. Kern. Le gouverneur ne prend pas toutes les décisions.»

Jacqui Douglas, économiste pour la Banque TD à Londres, confirme que la structure de droits de vote du MPC pourrait constituer un «obstacle majeur» dans le mandat de cinq ans de Carney. Le diplômé de Harvard, qui occupera l'un des neuf sièges du comité, aura tout un travail de persuasion à faire pour faire passer ses idées, note-t-elle dans un rapport.

«Les commentaires des membres du MPC à ce jour sont variés: certains sont plus ouverts à explorer des changements dans la mission de la BdA, tandis que d'autres semblent plus sceptiques, a-t-elle avancé. Toutefois, Carney risque d'arriver avec des piles de documents militant en sa faveur.»

Devant la fragilité de la reprise économique, la firme PricewaterhouseCoopers prédit que la BdA maintiendra son taux directeur à 0,5% au moins jusqu'à la fin de cette année. Il est à ce plancher depuis 2009.

Dans le concert d'éloges et de spéculations qui a précédé l'arrivée de Mark Carney depuis plusieurs mois, c'est sans doute Mervyn King qui aura eu le commentaire le plus rassurant pour son successeur à la BdA, pendant une entrevue à la BBC au début juin.

«Carney, c'est une personne hors du commun, mais l'important sera qu'il fasse les choses à sa façon.»

Carney et la transparence 

Si personne ne s'attend à ce que Mark Carney change de façon immédiate et radicale les façons de faire de la Banque d'Angleterre, plusieurs croient qu'il instaurera assez rapidement une culture davantage axée sur la transparence.

Jacqui Douglas, économiste pour la Banque TD à Londres, rappelle le changement de ton assez important qu'a imposé Carney lorsqu'il a succédé à David Dodge à la Banque du Canada. Il a notamment multiplié le nombre de ses interventions dans les médias, un geste crucial en période d'incertitude économique. «Carney a probablement mis plus d'effort à rejoindre un vaste public (...) que la plupart des autres gouverneurs de banques centrales.» Mme Douglas croit que le Canadien risque de garder le bureau de presse de la Banque d'Angleterre «très occupé» dès son arrivée...