Une tâche titanesque attend le nouveau gouverneur de la Banque d'Angleterre, le Canadien Mark Carney, dans lequel le gouvernement comme les économistes placent leurs espoirs de voir enfin l'économie britannique sortir de l'ornière creusée par la crise financière.

«Le poids de la nation est posé sur ses épaules, les attentes sont élevées pour qu'il permette à la reprise économique du Royaume-Uni de s'accélérer» et aux banques de prêter à nouveau, a expliqué à l'AFP Kathleen Brooks, analyste chez Forex.com. «C'est beaucoup pour une seule personne».

Mark Carney, alors gouverneur de la Banque du Canada depuis 2008, a été nommé à la surprise générale l'année dernière par le ministre britannique des Finances conservateur George Osborne pour remplacer Mervyn King, dont le deuxième mandat à la tête de la banque centrale britannique arrive à son terme fin juin.

Présenté lors de sa nomination par M. Osborne comme «la personne tout simplement la meilleure, la plus expérimentée et la plus qualifiée au monde pour faire le travail», M. Carney, le premier étranger à prendre lundi prochain la tête de la «Vieille dame» (comme les Britanniques surnomment la Banque d'Angleterre), est passé par la banque d'affaires Goldman Sachs avant d'opter pour une carrière de haut fonctionnaire.

Il a été crédité par la presse financière canadienne d'avoir permis au pays de traverser la crise sans trop de dommages. Mais pour Mme Brooks, son «plus gros défi» sera de comprendre les spécificités de l'économie britannique, très différente du Canada, gros producteur de matières premières qui tend à se caler sur les cycles économiques des États-Unis.

«Mervyn King laisse une économie éreintée à M. Carney», a-t-elle poursuivi. «M. King a fait du mieux qu'il pouvait étant donné les circonstances difficiles, mais les marchés attendent des résultats de M. Carney, qu'il aide à doper l'économie. Et s'il n'y parvient pas, sa réputation impeccable de banquier central pourrait commencer à se ternir», a prévenu Mme Brooks.

Pour Howard Archer, économiste chez IHS Global Insight, le Canadien doit tout de même «sans aucun doute être soulagé de voir l'économie se raffermir alors qu'il va en prendre les rênes».

Ainsi, «avec une économie qui montre actuellement des signes étendus d'amélioration, les pressions nécessitant une action immédiate se sont affaiblies, ce qui devrait laisser à M. Carney le temps de jauger la situation (...) et de prendre ses marques», a-t-il estimé.

Le Royaume-Uni a échappé à un retour en récession en début d'année et de récents indicateurs tendent à confirmer une embellie de la reprise mais sa croissance reste terne.

Ainsi, le marché «continue de s'attendre à ce que la Banque d'Angleterre cherche à affaiblir la livre sterling au cours du second semestre pour tenter de maintenir la reprise, fragile, sur les rails», a observé Alistair Cotton, analyste chez Currencies Direct.

Cette dévaluation serait la conséquence de la mise en place d'une nouvelle salve de rachats d'actifs de la banque centrale britannique, qui a déjà dépensé 375 milliards de livres (442 milliards d'euros) entre mars 2009 et novembre 2012.

Une devise affaiblie permet notamment de stimuler les exportations d'un pays en rendant ses produits moins onéreux pour les acheteurs munis d'autres devises.

Outre l'aspect purement monétaire, Mark Carney va également dès son arrivée superviser une réflexion sur la publication, à l'appel de M. Osborne, de prévisions économiques détaillées, comme le fait la Réserve fédérale américaine (Fed).

Pour Nick Bate, économiste chez Bank of America Merrill Lynch, ces objectifs, même peu détaillés, permettraient «d'obtenir plus de transparence sur la pensée de la Banque d'Angleterre».

Pour certains observateurs, par souci de transparence mais aussi pour avoir un meilleur contrôle du débat, M. Carney pourrait également décider d'augmenter la fréquence des conférences de presse régulières de l'institution, qui n'ont actuellement lieu que tous les trimestres.