Montfort Tadier, 34 ans, est l'un des députés de Jersey. Très critique du rôle de la finance dans l'île, il s'oppose radicalement aux choix du gouvernement actuel. La Presse l'a interviewé.

Q Le gouvernement et les responsables financiers de l'île nous assurent que Jersey n'est pas un paradis fiscal. Qu'en pensez-vous?

R Nous sommes bien un paradis fiscal. Et cela ne date pas d'hier: à l'école, en classe de français, on nous apprenait comment dire «paradis fiscal» pour pouvoir expliquer d'où nous venions au cours de nos séjours en France. Mais aujourd'hui, le terme est devenu très péjoratif.

Q Que pensez-vous de l'attitude de David Cameron et du G8, qui veulent s'attaquer aux paradis fiscaux et en particulier à Jersey?

R Le comportement des Anglais me chiffonne: c'est bien beau de se réveiller maintenant, mais pourquoi le Royaume-Uni a-t-il accepté le développement d'un paradis fiscal à ses frontières? Les réponses sont évidentes: la City en profite, puisqu'elle reçoit beaucoup de fonds par l'entremise de ses filiales établies ici, et qu'elle est elle-même un paradis fiscal. Plus généralement, comment un élu anglais conservateur peut-il être crédible lorsqu'il dit s'attaquer à cette question? Surtout quand la finance est à ce point capitale pour l'économie de son propre pays.

Q Quelle issue voyez-vous donc pour Jersey?

R Celui d'une finance totalement transparente. C'est d'autant plus crédible que nous possédons des avantages indéniables, tant sur le plan géographique que de l'expertise. Il reste à déterminer la taille critique nécessaire de cette industrie pour la survie de l'économie de l'île. Et encore: en dehors de son soutien à l'emploi, la finance ne joue plus un rôle économique positif majeur. Pour compenser l'abaissement des taux d'imposition des entreprises locales, qui représentaient jusqu'en 2007 30% des recettes nationales, mais moins de 10% aujourd'hui, le gouvernement a mis en place une taxe sur la valeur ajoutée (TVA) de 3% puis 5%. La population paie donc plus qu'hier afin de financer la survie du secteur financier! C'est le monde à l'envers.

Q Comment vivent les habitants de l'île?

RCeux qui ne travaillent pas dans la finance peinent. Au-delà du fait qu'ils paient de plus en plus d'impôts et de taxes, les prix augmentent fortement, notamment ceux de l'immobilier. Une maison est ici aussi chère qu'en plein centre de Londres. Rien ne changera, car il n'existe pas de partis politiques à Jersey. Chacun se présente aux élections sous une bannière indépendante et, une fois élu, tout est affaire de copinage.