La Cour constitutionnelle allemande, saisie par des plaintes d'eurosceptiques, débute mardi une série d'auditions pour examiner les mécanismes de sauvetage de la zone euro, en particulier le plan de rachat de dettes publiques de la BCE critiqué par la Bundesbank.

Même si la crise de l'euro semble à court terme apaisée, l'inquiétude des marchés porte sur d'éventuelles restrictions que la Cour de Karlsruhe (sud-ouest) pourrait faire peser sur les mécanismes de sauvetage ou sur l'action de la BCE. Mais aucune décision n'est attendue avant plusieurs semaines.

Presque neuf mois après avoir jugé conformes à la Loi fondamentale allemande le Mécanisme européen de stabilité (MES) et le Traité budgétaire européen, les huit juges suprêmes de Karlsruhe (sud-ouest) devaient amorcer deux journées d'auditions. S'exprimeront notamment dès mardi: Jens Weidmann, le président de la Bundesbank, Jörg Asmussen, membre du directoire de la BCE, et Wolfgang Schäuble, ministre allemand des Finances.

La Cour devrait se pencher de nouveau sur l'implication du Bundestag (chambre basse du parlement allemand) dans les mesures de sauvetage de l'euro, un point très sensible en Allemagne, premier contributeur financier des différents mécanismes.

Elle va surtout étendre son examen au nouveau programme de rachat de dettes d'État en difficultés, concocté par la BCE à l'automne et baptisé OMT. L'annonce de ce programme a joué un rôle crucial pour apaiser les craintes des marchés financiers sur la survie de la zone euro, même s'il n'a jamais eu besoin d'être mis en pratique.

Mais la banque centrale allemande (Bundesbank) l'a toujours combattu, jugeant que la BCE outrepassait l'interdiction qui lui est faite de financer les États.

Les médias allemands spéculaient ces derniers jours sur des auditions à Karlsruhe tournant à la bataille rhétorique entre la Bundesbank et la BCE, et donc entre M. Weidmann et M. Asmussen.

La Cour constitutionnelle n'a pas le pouvoir d'interdire quoi que ce soit à la BCE, institution indépendante soumise au droit européen. Mais elle pourrait poser des conditions à la participation allemande et, dans tous les cas, un avis négatif lancerait clairement un mauvais signal.

«Si le programme de rachat d'obligations devait être annulé, cela aurait des conséquences graves», a mis en garde lundi M. Asmussen, dans une entrevue au quotidien populaire Bild.

L'analyse qui sera faite à Karlsruhe «des initiatives de la BCE à travers une perspective purement allemande» est pour l'heure «le risque le plus important à surveiller en zone euro», a averti Holger Schmieding, économiste de Berenberg.

Le journal allemand Frankfurter Allgemeine Zeitung a avancé que, pour contrer d'éventuelles critiques de Karlsruhe, la BCE aurait fixé une limite théorique à son programme, de 524 milliards d'euros, ce qu'un porte-parole de l'institution, contacté par l'AFP, a fermement démenti.

Le président de la BCE Mario Draghi a défendu lundi son programme de rachat de dettes publiques dans une entrevue à la chaîne de télévision publique allemande ZDF.

«Le risque pour les contribuables allemands est beaucoup moins élevé qu'il y a un an», a-t-il affirmé. «Pas un euro n'a été dépensé jusqu'à présent pour ce programme» OMT, a-t-il fait valoir, estimant que ce plan avait été un succès.

Au terme de ces deux journées d'audition, les juges de Karlsruhe pourraient prendre du temps avant de rendre leur verdict. M. Schmieding table plutôt sur une décision après les élections législatives allemandes de septembre.

Une grande part de l'opinion allemande est hostile aux plans de sauvetages de l'euro. Selon un sondage publié lundi par le quotidien Handelsblatt, 48% des Allemands seraient pour un arrêt du programme OMT, alors que 31% jugent injustifiées les plaintes déposées à Karlsruhe et 21% n'ont pas d'avis.