La Banque centrale européenne (BCE) est en quête de solutions pour soutenir la croissance en zone euro, mais elle devrait se cantonner au statu quo jeudi lors de sa réunion mensuelle de politique monétaire, de l'avis des analystes.

«Après avoir baissé ses taux d'intérêt le mois dernier et laissé entendre un prochain nouveau soutien (à l'économie), nous suspectons que la BCE va décevoir les marchés», estime Jennifer McKeown, économiste du groupe de consultants Capital Economics.

L'institution monétaire de Francfort a réduit son principal taux directeur, baromètre du crédit en zone euro, d'un quart de point, à 0,50% début mai, un niveau jamais atteint jusque-là.

Elle a également abaissé à 1% son taux de prêt marginal au jour le jour, auquel les banques peuvent emprunter pour 24 heures auprès d'elle, mais a maintenu à 0% le taux des dépôts au jour le jour, auquel les banques peuvent placer de l'argent pour 24 heures auprès d'elle.

Début mai, son président Mario Draghi n'a pas exclu la possibilité de porter ce dernier taux à un niveau négatif, afin d'encourager les banques à prêter aux entreprises et aux ménages plutôt que d'entasser leurs liquidités excédentaires auprès de la BCE. Il a estimé que l'institution était désormais «prête» techniquement à cette éventualité.

Mais les analystes estimaient qu'elle ne le ferait pas ce mois-ci, en raison d'oppositions internes. «Nombre des membres du conseil des gouverneurs continuent à ne pas se montrer convaincus des mérites» par une telle option, qui signifierait que les banques doivent payer pour déposer leur argent auprès de la BCE, notait Richard Barwell, économiste chez RBS.

Jennifer McKeown soulignait que les banques pourraient compenser ce coût porté à leur profitabilité par une hausse du taux du crédit, «des effets négatifs» que les responsables monétaires ne semblent pas convaincus de pouvoir contrer.

«C'est une question très difficile», a admis cette semaine Vitor Constancio, vice-président de la BCE, affirmant qu'aucune décision n'avait été prise. Il a ajouté que «si cela arrive», les banques devraient recevoir des signes pour se préparer.

Quant à l'idée de revitaliser le marché des ABS, du nom de ces titres financiers adossés à des crédits, pour aider les petites et moyennes entreprises à accéder au crédit, M. Draghi ne devrait pas la détailler pour le moment.

Début mai, il avait annoncé le lancement d'«une consultation avec d'autres institutions européennes» à ce sujet. Mais cette discussion pourrait encore prendre des semaines, voire ne pas aboutir avant septembre, selon une source proche de l'Eurosystème.

Alors que la BCE doit annoncer jeudi ses nouvelles prévisions de croissance et d'inflation pour la zone euro, une nouvelle source d'inquiétude se fait par ailleurs jour.

Vitor Constancio a jugé mercredi que le rythme de la baisse de l'inflation était trop rapide. «1,2% en avril, cela a été une surprise», a-t-il dit, soulignant que la BCE «surveillait la rapidité du déclin» qui rend la situation pour la croissance et le maintien des marges des banques «plus complexe».

En mai, l'inflation a légèrement grimpé à 1,4%, selon un chiffre publié vendredi, mais reste éloignée de l'objectif de la BCE de maintenir la hausse des prix sous, mais proche de 2% à moyen terme.

Avec une récession qui s'éternise, le faible niveau des prix commence à faire naître dans les rangs de la BCE la crainte d'un scénario à la japonaise, pas d'inflation, mais pas de croissance non plus.

Une crainte partagée par l'OCDE. «L'atonie prolongée de l'activité pourrait se transformer en stagnation, avec des conséquences négatives pour l'économie mondiale», écrit son économiste en chef Pier Carlo Padoan dans son dernier rapport publié cette semaine.

L'organisation prévoit que la zone euro s'enfonce dans la récession cette année avec -0,6% de recul du PIB, contre -0,1% anticipé précédemment, et appelé la BCE à envisager de nouvelles mesures non conventionnelles pour inciter les banques à prêter de l'argent aux entreprises et aux particuliers.