Angela Merkel ne veut plus passer pour la «chancelière de l'austérité» et multiplie les initiatives sur l'emploi des jeunes en Europe, au moment où l'Allemagne est rattrapée par la crise et s'inquiète de son image.

C'est devenu depuis peu un élément incontournable de la communication du gouvernement allemand. Mme Merkel l'a encore montré mercredi en proposant l'aide de l'Allemagne au premier ministre lituanien Algirdas Butkevicius, en visite à Berlin, pour réduire le chômage des jeunes dans son pays.

Mardi, l'Allemagne et la France lançaient une «offensive» pour l'emploi des jeunes en Europe qui doit être parachevée début juillet à Berlin en présence de la chancelière et du président français François Hollande.

Une semaine plus tôt, les gouvernements espagnol et allemand signaient un accord pour l'emploi et la formation professionnelle en Allemagne de jeunes Espagnols, qui peinent à trouver un avenir dans leur pays frappé par un chômage record.

Après avoir défendu bec et ongles une réduction stricte des déficits, accusée d'avoir fait exploser le chômage et plongé l'Europe dans la récession, l'Allemagne veut se montrer conciliante.

Mais certains y voient des effets d'annonce. «Ces thèmes sont en discussion depuis longtemps, ce n'est pas nouveau, il s'agit surtout d'une action de relations publiques», estime Ansgar Rannenberg, chercheur pour l'institut d'études macroéconomiques IMK de Düsseldorf.

Ainsi, les fonds pour lutter contre le chômage des jeunes, six milliards d'euros, ont d'ores et déjà été promis par Bruxelles en février et sont d'ailleurs jugés bien maigres pour relancer durablement l'emploi en Europe.

Berlin planche aussi sur un programme d'aide en faveur des entreprises espagnoles via sa banque publique d'investissement, la KfW, pour un montant compris, selon la presse allemande, entre 750 millions et milliard d'euros.

Interrogé récemment sur la volonté de l'Allemagne d'améliorer son image en Europe en traitant le thème du chômage, le ministre des Finances Wolfgang Schäuble a reconnu que «si au final (cela) contribue à ce qu'on nourrisse moins de malentendus, ce sera un résultat souhaitable».

«Je suis très content de voir M. Schäuble se réveiller enfin à la réalité sociale de l'Union européenne», a ironisé le commissaire européen à l'Emploi, Laszlo Andor, dans un entretien à l'AFP. «Pendant des années, nous n'avons vu aucun signe de sa part montrant qu'il était intéressé par cette question. Et bien sûr, beaucoup d'emplois auraient pu être sauvés» avec des politiques économiques différentes, a-t-il affirmé.

«Les pays du sud de l'Europe ont fait beaucoup de progrès (en matière de réformes, NDLR), c'est pourquoi la position allemande est devenue plus flexible», assure cependant Holger Schmieding, économiste pour la banque Berenberg.

L'Allemagne y voit aussi son intérêt. À court de main d'oeuvre, en raison d'une démographie catastrophique, elle pourrait s'appuyer sur des programmes d'échange européens pour attirer les jeunes dont elle a besoin. Le pays, qui affiche le plus faible taux de chômage des jeunes de l'UE, martèle régulièrement sa volonté d'accueillir plus d'immigrés.

Par ailleurs, la conjoncture ne cesse de se dégrader en zone euro, au point de menacer l'Allemagne --qui y trouve son principal marché d'exportation--, comme en ont témoigné mercredi des prévisions économiques de l'OCDE revues à la baisse.

À quelques mois des élections législatives en Allemagne, où la chancelière allemande va briguer un troisième mandat, il s'agit aussi pour elle d'occuper le terrain social et de soigner son image européenne pour priver d'angles d'attaque ses adversaires sociaux démocrates.

Selon Marcel Fratzscher, de l'institut économique berlinois DIW, la politique allemande n'a pourtant pas viré de bord. «Le soutien des Allemands à la politique européenne d'Angela Merkel reste énorme», souligne-t-il. Berlin «continue d'affirmer l'importance de la consolidation des budgets nationaux et pour le moment je ne vois pas de changement à l'horizon».