Le chômage a atteint un nouveau record absolu dans la zone euro à 12,1% en mars, un chiffre qui devrait alimenter le rejet de l'austérité de plus en plus partagé dans les pays du sud, au moment où le nouveau président du Conseil italien Enrico Letta devrait plaider à Berlin pour un plan de relance.

Le chômage, qui vole de record en record en Europe, touchait en mars 19,2 millions de personnes dans la zone euro. Il s'agissait de son 23e mois consécutif de hausse.

Sa progression a été spectaculaire en un an: en mars 2012, le taux de chômage était encore de 11% dans la zone euro. Les deux premières économies de la région, l'Allemagne et la France affichent respectivement des taux de 5,4% et de 11%.

C'est dans trois des pays bénéficiant d'une assistance financière internationale, assortie de plans d'austérité drastiques, qu'il est le plus élevé: en Grèce (27,2% selon les dernières données disponibles datant de janvier), en Espagne (26,7%) et au Portugal (17,5%).

Et rien, dans les plans adoptés par les pays sous programme pour se conformer aux exigences de leurs créanciers, ne semble de nature à inverser la tendance à court terme.

Le Parlement grec a ainsi adopté dimanche soir une loi mettant en oeuvre de nouvelles mesures imposées par la troïka (UE-BCE et FMI), qui prévoit le renvoi d'ici fin 2014 de 15.000 fonctionnaires.

À Chypre, le Parlement doit débattre mardi du plan de sauvetage de l'île de 10 milliards d'euros, là encore assorti de conditions draconiennes dont une baisse des effectifs de la fonction publique.

L'Irlande et le Portugal, eux aussi sous programme d'aide, ont réaffirmé récemment leurs engagements budgétaires, mais «nous estimons que l'Europe peut faire davantage pour la croissance et l'emploi», a souligné le premier ministre irlandais, Enda Kenny.

À Lisbonne, le gouvernement doit définir mardi une stratégie budgétaire de moyen terme comprenant de nouvelles mesures d'austérité, condition pour que la troïka lui accorde une nouvelle tranche d'aide de deux milliards d'euros.

Sa tâche a été rendue difficile par la Cour constitutionnelle, qui a retoqué début avril plusieurs mesures d'austérité jugées discriminatoires, visant notamment à réduire les salaires et les pensions des fonctionnaires, ce qui l'a privé de 1,3 milliard d'euros d'économies.

Le nouveau programme prévoit à la place de réduire les budgets de fonctionnement de tous les ministères, ainsi que les dépenses liées à la santé, l'éducation et la sécurité sociale, ce qui suscite des frictions au sein de la coalition au pouvoir et de vives critiques de l'opposition de gauche.

Le Parti socialiste, en particulier, réclame une renégociation du plan de sauvetage et des mesures en faveur de l'emploi, sur fond de récession: le PIB portugais devrait reculer de 2,3% cette année.

C'est dans ce contexte qu'Enrico Letta, qui a obtenu lundi la confiance des députés et attendait celle du Sénat dans la journée, se prépare à faire une tournée européenne qui l'emmènera dès mardi soir à Berlin.

Il s'agira pour M. Letta, à la tête d'un gouvernement de coalition, d'une «première et délicate mission qui vise à faire comprendre aux principaux interlocuteurs européens que l'Italie confirme ses engagements vis-à-vis de l'UE mais a besoin d'une marge d'autonomie plus ample pour stopper la récession et poser les bases d'une reprise», écrit l'éditorialiste de La Stampa, Marcello Sorgi.

Pour le Corriere della Sera, M. Letta et la chancelière Angela Merkel, «symbole de la rigueur et de l'austérité imposée à tous les pays européens ayant des déséquilibres budgétaires et un endettement élevé», parleront «certainement» du fait que «l'Italie est en train de mourir de trop d'assainissement», comme l'a affirmé M. Letta lundi lors de son premier discours devant le Parlement.

«Les politiques en faveur de la relance ne peuvent plus attendre», avait-il ajouté, promettant de s'attaquer en priorité à «la situation d'urgence» qui règne sur le marché du travail et au «cauchemar de l'appauvrissement».

Le chef du gouvernement italien poursuivra son voyage par Bruxelles et Paris mercredi et jeudi. Il sera reçu mercredi soir par le président du Conseil européen, Herman Van Rompuy et jeudi matin par le président de la Commission européenne, José Manuel Barroso.

Le ministre français des Affaires européennes Thierry Repentin, a vu dans le discours de M. Letta un signe que «sur la politique de relance, aujourd'hui, François Hollande a plus d'écho, est moins isolé» dans l'UE.

Le porte-parole du commissaire européen aux Affaires économiques, Olli Rehn, a rappelé mardi au cours d'un point de presse que la Commission soutenait des politiques assurant «un équilibre» entre stabilisation des finances publiques et mesures de relance.