Simon Wolfson, directeur général du groupe britannique de distribution de vêtements Next, s'est fait un nom auprès du grand public.

Dans un message envoyé à 19 400 des employés de son groupe, il a fait cette annonce: «Il y a trois ans, le conseil d'administration de Next m'a accordé un programme d'incitation basé sur le cours de l'action de l'entreprise. Le gain exceptionnel de celle-ci signifie que cette récompense est maintenant devenue plus importante que je ne l'aurais cru possible. Donc, cette année, au lieu de l'accepter, j'ai demandé au conseil d'administration de la partager avec tous les gens qui travaillent pour la société depuis les trois dernières années.»

S'il ne précise pas qu'il a dans le même temps augmenté son salaire annuel de 13 % pour le porter à 4,6 millions de livres (7,2 millions CAN), il a ainsi versé 2,4 millions de livres (3,8 millions CAN) à ses employés, qui toucheront chacun 124 livres (195 $ CAN).

Ce geste apparaît comme un courant d'air frais dans une City londonienne régulièrement secouée, depuis la crise financière, par des controverses autour des rémunérations dorées des banquiers et des dirigeants des entreprises britanniques. Médias et actionnaires, exaspérés par leur impunité, n'hésitent plus à lever la voix.

Tout a réellement commencé en février 2009 lorsque Eric Daniels, alors grand patron de la banque Lloyds, a qualifié son salaire de 1 million de livres «relativement modeste». Une déclaration pour le moins incongrue alors que sa société venait d'être partiellement nationalisée en raison de sa gestion plus que douteuse.

Depuis, les loups sont lâchés et leur chasse se révèle souvent fructueuse: forcés pour des raisons d'image de marque de geler leurs salaires et leurs retraites à la suite du ralentissement de l'activité économique et des mesures d'austérité déployées par le gouvernement du premier ministre David Cameron, les patrons des 100 plus grandes entreprises du pays n'ont pas rendu les armes. Ils ont ainsi choisi de s'appuyer sur des programmes incitatifs du type de celui perçu par Simon Wolfson, ce qui leur a permis d'accroître l'ensemble de leurs revenus de 27 % en 2011-2012. Leur salaire moyen se situe à 4 millions de livres.

Les banquiers restent pourtant la cible préférée des médias. Un comité parlementaire s'est ainsi récemment aperçu que sept patrons de HBOS ont reçu en 2008 un bonus total de 914 000 livres lors du rattachement de leur banque à Lloyds à la suite de leur propre faillite, qui avait nécessité l'apport d'une bouée de sauvetage de 20 milliards de livres de fonds publics. Quant à Royal Bank of Scotland (RBS), détenue à 82 % par le gouvernement britannique depuis la crise, elle a admis le mois dernier verser plus de 1 million de livres à 95 de ses banquiers.

Si la secrétaire générale de la confédération syndicale TUC, Frances O'Grady, s'est étonnée de ces versements «obscènes», estimant que «c'était comme si la crise financière n'avait jamais eu lieu», le chancelier de l'échiquier britannique, George Osborne, et le maire de Londres, Boris Johnson, disent craindre pour le bien-être des grandes entreprises.

Le maire de la capitale craint le départ de nombreuses entités financières de la City, une émigration qui favoriserait «Zurich, Singapour et New York aux dépens d'une Union européenne en difficulté». Au regard de la gifle infligée cette semaine à Toronto par les actionnaires de Barrick Gold à son conseil d'administration, il semble pourtant que cette contestation s'internationalise.

***

Next PLC  (variation sur un an entre parenthèses)

Chiffre d'affaires: £3,5 milliards  (+ 3,1 %)

Profit net: £473millions  (+ 9,7 %)

Dividende par action: £1,05  (+ 16,7 %)

Salaires de patrons

Salaire annuel médian des membres de la direction des 100 entreprises de l'indice boursier de Londres (FTSE): £3,2 millions

Salaire annuel moyen: £4,0 millions

Salaire annuel moyen en Grande-Bretagne: £23 036