La Banque centrale européenne (BCE) a posé jeudi un ultimatum dans les négociations pour un plan d'aide à Chypre, menaçant de couper les vivres aux banques de ce pays faute d'accord d'ici lundi.

Réuni jeudi, le conseil des gouverneurs de l'institution monétaire de Francfort a décidé de maintenir la fourniture de liquidités d'urgence aux banques chypriotes jusqu'à lundi, selon un communiqué.

Mais après cette date, ces liquidités d'urgence (ou programme ELA) «ne pourront être envisagées que si un programme UE/FMI est en place qui assure la solvabilité des banques concernées», a ajouté la BCE.

Or, certaines banques chypriotes sont totalement dépendantes de ce programme, faute de disposer des garanties nécessaires (collatéraux) pour prétendre au refinancement régulier de la BCE. C'est la banque centrale nationale du pays concerné qui attribue ces liquidités, avec l'aval de la BCE.

Pour Marie Diron, économiste du groupe de conseil et d'audit Ernst & Young, la BCE vient de poser un ultimatum aux négociateurs du plan d'aide chypriote.

«Elle veut montrer l'urgence des choses à Chypre, à l'Union européenne mais aussi à Moscou», a-t-elle déclaré à l'AFP. La Russie s'est invitée dans les négociations avec Nicosie en raison des sommes énormes déposées par ses ressortissants auprès des banques de l'île méditerranéenne.

Certains ont reproché à la BCE de s'être montrée dure avec Chypre lors des négociations en fin de semaine dernière en menaçant déjà de cesser d'alimenter certaines banques. L'institution «a maintenu et clarifié sa position, qui est que la BCE et la banque centrale de Chypre ne peuvent pas financer une banque non solvable», a ajouté l'économiste.

Mais pour le chef de l'Eurogroupe, Jeroen Dijsselbloem, il ne faut pas interpréter la déclaration de la BCE comme une menace.

«Je ne pense pas que la BCE soit en train d'user de menaces. Ils font ce qu'ils peuvent dans le cadre de leur mandat», a-t-il déclaré lors de son audition devant la Commission des affaires économiques du Parlement européen à Bruxelles.

«Tout ce qu'ils ont dit, si j'ai correctement compris, c'est qu'ils pensent qu'il est très, très urgent qu'il y ait un programme (pour Chypre). Je pense que la BCE a soulevé en cela un point valable», a-t-il ajouté.

Mercredi déjà, un membre du directoire de l'institution monétaire de Francfort avait laissé entendre que les banques chypriotes ne pourraient plus prétendre au programme ELA si Nicosie ne se soumettait pas à un plan d'aide.

Seules les banques solvables pourront continuer à prétendre aux liquidités d'urgence, a dit Jörg Asmussen dans un entretien avec l'hebdomadaire allemand Die Zeit. Or «la solvabilité des banques chypriotes n'est pas assurée si un programme d'aide n'est pas bientôt décidé, qui garantit une recapitalisation rapide du secteur bancaire», avait souligné le banquier central.

Les dirigeants chypriotes devaient se prononcer jeudi sur un «plan B» destiné à empêcher une faillite de l'île, après le rejet mardi soir par le Parlement national du premier plan négocié avec l'Union européenne (UE) et le Fonds monétaire international (FMI), prévoyant une taxe exceptionnelle sur les dépôts bancaires.

Le nouveau projet pourrait être soumis au vote du Parlement dans l'après-midi, selon des sources gouvernementales.

En attendant une décision, les banques chypriotes, fermées depuis le 16 mars au matin, le resteront jusqu'à la semaine prochaine en raison des craintes de retraits massifs de fonds par les épargnants.