Et de cinq!

Après les deux plans de sauvetage de la Grèce, ceux du Portugal et de l'Irlande, celui des banques espagnoles, la troïka formée de l'Union européenne (UE), de la Banque centrale européenne (BCE) et du Fonds monétaire international (FMI) est venue à l'aide d'un cinquième État membre de la zone euro, la petite République de Chypre.

La troïka a tenu parole: ce ne sont pas les détenteurs privés de la dette publique de l'État qui seront appelés à faire leur part pour éviter la faillite du pays, comme ç'avait été le cas pour la Grèce, l'an dernier.

Pour parer à l'effondrement de l'industrie bancaire, une des plus importantes de l'île, la troïka oblige le gouvernement de Nicosie à imposer un prélèvement de 5,8 milliards d'euros sur les dépôts dans les banques chypriotes.

Elle affirme aussi que ce sera encore une fois un cas unique.

Cette précision vise avant tout à éviter toute contagion ailleurs dans la zone euro, surtout dans les pays fragilisés comme l'Espagne, aux prises avec un scandale de corruption politique percutant, ou l'Italie, sans gouvernement depuis les élections non concluantes du mois dernier.

Il ne faut pas laisser saigner longtemps les banques pour plonger un pays dans une crise financière profonde.

Il reste que Chypre devient un cas à part parmi les 17 pays à se partager la monnaie unique. Les dépôts dans les banques chypriotes ne seront pas traités comme ceux confiés aux autres banques de l'Eurogroupe.

Sans doute la troïka avait-elle de bonnes raisons de procéder de la sorte. Les banques chypriotes ont la réputation d'être des lessiveuses d'argent noir. En ferait foi l'avoir des citoyens et entreprises russes, évalué à 31 des quelque 68 milliards de dépôts.

Cet argent n'a pas dormi. Il a nourri un boom immobilier local et l'achat d'obligations grecques qui ont perdu plus de la moitié de leur valeur avec le plan de sauvetage de la Grèce l'an dernier. Ce plan a affaibli les banques chypriotes et compromis le financement immobilier et les finances publiques dont la dette est aussi détenue par les banques chypriotes en grande partie.

Prélever un minimum de 9,9% sur les dépôts de plus de 100 000 euros apparaît dès lors une solution moins inacceptable, surtout aux yeux des politiciens allemands non désireux de mettre à contribution leurs concitoyens en cette année électorale.

D'autant plus que ce prélèvement se fera contre un échange d'actions dans les banques dépositaires. Ce n'est pas une taxe comme telle. En outre, les épargnants qui y maintiendront leurs positions durant deux ans auront droit à une forme de revenu sur l'exploitation future d'importants gisements marins de gaz naturel, découverts dernièrement. Leur propriété est contestée par la Turquie, voisine et vieille ennemie de Chypre.

Il paraît préférable d'adopter cette solution que de taxer au sens propre le contribuable chypriote qui devra, de toute façon, se serrer la ceinture pour remplir les conditions du prêt de 10 milliards de la troïka. Sans lui, l'État sera en défaut de paiement dès le mois de mai, ce qui signifierait son expulsion probable de la zone euro.

À lui seul, le retour à la livre chypriote se traduirait par la dépréciation d'au moins 40% des avoirs des Chypriotes.

Le gouvernement minoritaire de Nicos Anastasiades, en place depuis moins d'un mois, a entrepris un marathon avec l'opposition pour tenter une redistribution moins impopulaire du prélèvement. En l'abaissant de 6,75 à 3,00% pour les dépôts de moins de 100 000 euros par exemple, il se mettrait sans doute à dos moins d'électeurs. Il fâcherait toutefois davantage les oligarques qui verraient en contrepartie leur prélèvement passer de 9,9 à 12,5%.

Quelle que soit la sortie de crise, la pilule sera très amère.

Ce nouveau soubresaut de la crise de la dette publique européenne montre aussi que les autorités monétaires et politiques doivent vite relever les conditions d'entrée dans la zone euro en procédant à des examens plus approfondis des comptes publics et des états financiers des banques des prochains États candidats.

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CHYPRE EN CHIFFRES

Capitale / Nicosie

Population / 1,2 million

PIB annuel / 17 milliards d'euros

Principales industries / Tourisme, transport maritime, institutions financières

Adhésion à l'euro / 1er janvier 2008