Benoît XVI n'a peut-être pas réussi à lever entièrement le voile sur les énigmatiques finances du Vatican, mais il a fait un pas important en permettant à des observateurs externes de venir entre les murs de l'institution pour juger du fonctionnement de ses finances.

Le «pape émérite », qui a quitté son poste jeudi, a en effet ouvert la porte aux experts de Moneyval, une agence du Conseil de l'Europe, pour évaluer les efforts de lutte contrer le blanchiment d'argent ou d'évasion fiscale.

« Je pense que c'est une décision très importante de Benoît XVI », dit Thomas Reese, analyste au National Catholic Reporter et auteur de Inside the Vatican: The Politics and Organization of the Catholic Church.

« Il a reconnu que le Vatican était incapable de se réformer par lui-même », que les cardinaux n'étaient pas nécessairement compétents pour s'attaquer aux questions financières complexes. «Maintenant, la pression est là pour que le Vatican poursuive le ménage», a-t-il affirmé dans un entretien avec La Presse Affaires.

L'argent et les finances du Vatican ont toujours été entourés d'une dose de mystère et d'opacité. Ça ne fait pas l'affaire des autres pays.

Au début du mois de janvier, le gouvernement italien a interdit à ses banques de faire affaire avec le Vatican, paralysant du même coup les systèmes de paiement électronique du plus petit pays du monde. L'Italie voulait ainsi dénoncer le manque de transparence financière qui perdurerait toujours dans l'enclave romaine.

L'Institut pour les oeuvres de religion (IOR), le nom officiel de la Banque du Vatican, est souvent montré du doigt.

Cette banque, qui accueille les dépôts des prêtres, congrégations ou employés du Vatican, a déjà été associée à plusieurs controverses. Elle peut être une banque de transit pour faire passer incognito des fonds d'un pays à l'autre, sans laisser de trace.

Le Vatican espère maintenant montrer, avec l'entrée en scène de Moneyval, que la Banque du Vatican est «une banque simple, ordinaire et ennuyante », résume M. Reese.

C'était du moins l'intention de Benoît XVI, qui a aussi mis sur pied une agence de surveillance financière indépendante. Mais cette volonté de se soumettre à d'autres autorités temporelles aurait causé de fortes dissensions à l'intérieur du Vatican, ont rapporté divers médias.

La Banque du Vatican, dont on ne connaît pas les résultats détaillés, aurait des actifs de 8,3 milliards US, selon le Washington Post.

Elle a versé en 2011 un «dividende» de 49 millions d'euros au Saint-Père, pour soutenir ses missions apostoliques et de charité.

Les « charités papales »

La part d'ombre autour des finances du Vatican permet de faire survivre de vieilles perceptions, comme celle de l'immense richesse du Saint-Siège.

« Cette perception d'une grande opulence n'est plus juste, soutient Philippe Simonnot, auteur du livre Les papes, l'Église et l'argent. Le Vatican n'est pas financièrement plus puissant qu'un diocèse allemand ou américain.»

Le budget du Saint-Siège, qui concerne l'administration de l'Église, les voyages du pape, les missions diplomatiques et les médias du Vatican, avoisine les 250 millions d'euros. C'est un peu moins que le budget de la Ville de Longueuil.

En 2011, le Saint-Siège a enregistré un déficit de 15 millions d'euros «en raison de la tendance négative des marchés financiers mondiaux » et des résultats de ses médias. Les revenus proviennent des dons, et de rendements d'investissements.

Le gouvernorat de la Cité du Vatican, chargé de l'administration gouvernementale du territoire indépendant, a pour sa part enregistré un surplus de 21 millions en 2011. Les revenus, aussi de l'ordre de 250 millions d'euros, proviennent provenant notamment des musées et autres commerces touristiques.

Il faut toutefois ajouter à cela une série d'autres budgets et revenus distincts, dont seulement certains sont dévoilés publiquement.

C'est le cas des revenus tirés du « denier de saint Pierre ». Chaque année, une collecte a lieu partout dans le monde pour soutenir les «charités papales ». Elle a permis de récolter 69 millions US en 2011, provenant principalement des États-Unis, d'Italie et de France. Le diocèse de Montréal a fait parvenir environ 100 000$ au pape grâce à cette collecte en 2012.

Des actifs de 1,4 milliard

Le Saint-Siège compte sur une série d'actifs pour son soutenir ses finances. Une récente enquête du quotidien britannique The Guardian montrait que le Vatican possédait des immeubles jusque dans le coeur de Londres.

On sait que le Saint-Siège investit dans des actions, des obligations, et qu'il comptait en 2008 environ une tonne d'or, qui aurait une valeur de plus de 50 millions aujourd'hui.

En 2007, le Saint-Siège a estimé la valeur totale de ses actifs à 1,4 milliard, en excluant ceux de la Banque du Vatican.

Le Vatican compte une série d'oeuvres d'art inestimables de maîtres comme Michel-Ange ou Raphaël. Le Vatican n'ayant aucune intention de les vendre, elles sont inscrites à un euro dans le bilan des actifs.

Même principe pour les principaux immeubles du Vatican, incluant la Basilique Saint-Pierre : elle ne vaut qu'un euro.