Les grandes puissances du G20 se sont engagées samedi à Moscou à ne pas sombrer dans une «guerre économique», en écartant toute stratégie monétaire agressive et en semblant lâcher un peu de lest sur la rigueur budgétaire de plus en plus accusée de plomber la reprise mondiale.

«Le monde ne doit pas faire l'erreur (...) d'utiliser les devises comme instrument de guerre économique», a déclaré le ministre britannique des Finances George Osborne lors d'une réunion de deux jours des grands argentiers des vingt principaux pays riches et émergents qui s'est achevée samedi.

La directrice générale du Fonds monétaire international (FMI) Christine Lagarde a reconnu des «inquiétudes», mais a récusé l'idée d'une «guerre des monnaies» qui planait sur la rencontre.

Après la Chine, soupçonnée de maintenir artificiellement le yuan en dessous de sa valeur naturelle pour doper ses exportations, la banque centrale américaine, et plus récemment son homologue japonaise, sont accusées de faire tourner la planche à billets pour soutenir leurs économies. Or, cela a pour effet de déprécier le dollar et le yen, et ainsi de défavoriser les partenaires commerciaux des États-Unis et du Japon.

Les pays émergents dénoncent de longue date ces pratiques. L'Europe, dont certains États, France en tête, s'alarment d'un euro trop fort qui nuit à leur compétitivité, s'est jointe à ce choeur après le virage nippon.

Comme les pays riches du G7 mardi, les États du G20 s'engagent donc dans leur communiqué final publié samedi à «s'abstenir de procéder à des dévaluations compétitives». «Nous ne fixerons pas de cibles de taux de change à des fins de compétitivité», promettent-ils.

Toutefois, alors que le G7 affirmait que les changes devaient être «déterminés par les marchés», le G20, qui comprend aussi des pays comme la Chine plus dirigiste en la matière, se fixe seulement l'objectif de parvenir «rapidement» à un tel système.

La déclaration de Moscou semble ménager aussi bien les pays inquiets, car elle appelle à une «plus étroite collaboration», que Tokyo, puisque les ministres des Finances et banquiers centraux soulignent que la politique monétaire doit «continuer à soutenir la reprise économique».

«Il faut prendre des mesures pour améliorer la compétitivité de nos économies», mais les gouvernements ne doivent pas viser «la manipulation de la monnaie», a résumé le ministre russe Anton Silouanov, dont le pays préside le G20 cette année.

Alors que le G20 est censé coordonner les efforts vers une croissance «forte, durable et équilibrée», un repli sur des stratégies nationales peu coopératives risquerait de saper une reprise mondiale balbutiante.

La croissance peine en effet à redémarrer franchement, et une fois de plus la zone euro est sur la sellette, avec une récession plus grave que prévu l'an dernier.

Le G20 a semblé emboîter au moins en partie le pas au FMI, qui a appelé à lever le pied sur la rigueur budgétaire, et à la Commission européenne, prête désormais à envisager des délais pour la réduction des déficits.

Ses grands argentiers ont ainsi mis l'accent sur des «stratégies budgétaires de moyen terme crédibles» que les pays riches membres du G20 devront élaborer d'ici le sommet de Saint-Pétersbourg en septembre.

À Toronto, en 2010, ces États s'étaient engagés à réduire d'au moins de moitié leur déficit public à l'horizon 2013, ce que plusieurs gouvernements ne sont pas parvenus à faire. Toute référence à des objectifs chiffrés et à des échéances précises a disparu du communiqué à Moscou.

Qui plus est, ces plans devront être mis en oeuvre «en tenant compte des conditions économiques à court terme et des marges de manoeuvre budgétaires là où elles existent».

«La prise en compte de la situation économique doit nous permettre de ne pas ajouter de l'austérité à la récession», s'est réjoui le ministre français Pierre Moscovici.

Le G20 appelle enfin avec insistance les pays «en excédent», comme l'Allemagne ou la Chine, à «développer les sources internes de croissance» pour soutenir leurs partenaires à la peine. Un voeu déjà exprimé par le passé, mais qui, de l'avis de plusieurs délégués, n'a pas encore remporté le succès escompté.