Une lumière, encore faible, brille sur le cimetière industriel américain.

Après avoir perdu 5 millions d'emplois en 12 ans, la plupart au profit de l'Asie, le secteur manufacturier aux États-Unis montre d'autres signes de vie.

Déjà que la production manufacturière a terminé 2012 sur une note encourageante (+1,3% en novembre et +0,8% en décembre), voilà que cette renaissance made in America prend un virage symbolique avec le retour au bercail de quelques entreprises actives ou installées à l'étranger.

À cet égard, une nouvelle a eu des échos importants la semaine dernière: Walmart a annoncé qu'il achètera davantage de produits aux États-Unis, dans un effort pour soutenir l'économie nationale.

Ses magasins achèteront 50 milliards US supplémentaires de produits américains d'ici 10 ans, soit 5 milliards US par an. Autant d'argent de plus pour les fabricants locaux.

Et un peu avant Noël, une autre icône d'America inc., le géant Apple, a annoncé le retour en 2013 d'une chaîne de production de ses ordinateurs iMac sur le sol américain. Un investissement de 100 millions US.

Portée limitée

En scrutant ses livres, on réalise que la promesse de Walmart ne constitue pas un engagement majeur: le numéro un mondial du commerce de détail dépense annuellement plus de 330 milliards US de par le monde (incluant les coûts de transport) pour se procurer des produits qui vont garnir ses tablettes. Son nouveau credo buy America a donc une portée très limitée.

Même chose pour Apple, dont moins de 20% des ventes proviennent de la gamme iMac. Plus de 70% du chiffre d'affaires du groupe californien repose sur les ventes de iPhone et de baladeurs iPod, dont les composants sont fabriqués surtout en Asie.

Reste qu'au-delà de l'effet - plus important - sur leur image, la démarche de Walmart et d'Apple s'inscrit dans un mouvement de retour aux États-Unis de plusieurs entreprises délocalisées, essentiellement en Asie, dont la compétitivité tend à s'éroder.

Des mastodontes tels General Electric, Caterpillar et Lenovo ont fait savoir ces derniers mois qu'ils rapatriaient des activités en sol américain.

Le fabricant d'électroménagers Whirlpool a ramené en Ohio la fabrication de certains appareils de sa marque Kitchen Aid.

Certes, le phénomène reste embryonnaire. Mais la tendance est bien enclenchée: selon le Bureau of Labor Statistics, des 11 000 emplois «perdus à l'étranger» en 2008, on est passé à 5300 en 2010 et, possiblement, à trois fois moins l'an dernier, selon des médias américains. Bref, l'exode est pratiquement terminé.

Pour Whirlpool, tout comme Apple, le nombre d'emplois déménagés est très faible - 25 postes pour des produits Kitchen Aid. Mais, selon un dirigeant de Whirlpool qui s'exprimait récemment dans le Wall Street Journal, le plus important est que le rapatriement de la production s'amorce après des décennies de délocalisation sans interruption.

L'écart se rétrécit

Essentiellement, deux facteurs motivent les industriels à redécouvrir les «USA»: la productivité des travailleurs et des salaires relativement bas.

Le coût du travail grimpe dans les pays émergents, surtout en Chine où les ouvriers font pression pour obtenir de meilleurs salaires. À tel point que les industriels déménagent de plus en plus leur production dans des pays voisins où la main-d'oeuvre est encore moins chère (Vietnam, Philippines, Indonésie, etc.).

À preuve, les investissements directs étrangers en Chine ont diminué de 4% en 2012 (à 111,7 milliards US), a-t-on appris mercredi, alors qu'ils ont augmenté de 63% en Thaïlande et de 27% en Indonésie (neuf premiers mois de 2012). Autrement dit, les investisseurs sont moins entichés du dragon chinois.

Et c'est surtout le bas de gamme qui s'accroche aux pays en développement, laissant une porte ouverte aux puissances industrielles qui veulent récupérer la production à valeur ajoutée.

Réduction du fossé entre la Chine et les États-Unis

La firme Boston Group prévoit que, coût de la vie oblige, les salaires dans l'industrie chinoise augmenteront de 17% par an durant les trois prochaines années, contre seulement 3% aux États-Unis. L'écart salarial reste important - les salaires chinois sont huit à neuf fois moins élevés que ceux des Américains - mais ces derniers sont plus productifs (trois fois plus, selon Boston Group). Donc, le fossé rétrécit.

Dans ce contexte, les perspectives d'embauche aux États-Unis s'améliorent: plus de 400 000 postes ont été créés en un an dans le domaine manufacturier, clamait le président Barack Obama durant la campagne électorale.

En somme, le bon vent de la reprise souffle sur les États-Unis, dont l'économie profite en plus du rebond de l'immobilier, de l'appétit soutenu de ses consommateurs et d'un avantage énergétique majeur - avec le boom du gaz de schiste.

La Chine, qui aspire à devenir la première puissance mondiale, a donc encore un solide concurrent qui se redresse devant elle.

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Boston Group

+17 %

La firme Boston Group prévoit que, coût de la vie oblige, les salaires dans l'industrie chinoise augmenteront de 17% par an durant les trois prochaines années, contre seulement 3% aux États-Unis.

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Walmart

50 milliards

Les magasins Walmart achèteront 50 milliards US supplémentaires de produits américains d'ici 10 ans. Autant d'argent de plus pour les fabricants locaux.