L'Italie s'est réveillée lundi avec la crainte d'une nouvelle tempête financière après l'annonce coup sur coup ce week-end du retour de Silvio Berlusconi dans l'arène politique et la démission de Mario Monti très apprécié des marchés et de ses partenaires européens.

Comme les économistes s'y attendaient, la Bourse de Milan a plongé dès l'ouverture, ravivant le souvenir des moments noirs de la crise de l'euro et le spectre d'une contagion à l'échelle du continent.

L'indice vedette de la Bourse de Milan, le FTSE Mib, chutait de plus de 3% vers 7h00 (heure du Québec), limitant légèrement ses pertes par rapport à la fin de la matinée. Les autres Bourses européennes s'affichaient également en berne à la même heure mais de manière moins marquée. Madrid perdait toutefois 1,70%.

Quant aux taux d'emprunts italiens à dix ans, thermomètre de la confiance des marchés en la capacité du pays à maîtriser la crise, ils ont fait un bond de plus de 30 points de base lundi matin à 4,81%.

Depuis un an, le gouvernement Monti a multiplié les efforts pour mener des réformes et rétablir la réputation du pays en tant qu'emprunteur fiable sur la scène internationale.

«Il a restauré la confiance envers l'Italie» et a été «très utile pour le maintien de la stabilité dans la zone euro», a salué le président de l'Union européenne, Herman Van Rompuy, peu avant la cérémonie de remise du Nobel de la paix à Oslo.

Ironiquement, le «spread», qui marque l'écart entre le taux italien et celui de l'Allemagne, était tombé il y a à peine une semaine pour la première fois depuis des mois sous la barre symbolique des 300 points (à 292 points), poussant Mario Monti à rêver à voix haute de le voir tomber encore plus bas. Las, lundi, il est monté jusqu'à 360 points, bien loin toutefois de la barre des 600 frôlée il y a un an.

De quoi inquiéter les autres pays fragiles de la zone euro: le ministre espagnol de l'Économie, Luis de Guindos, a déploré lundi que «les doutes sur la stabilité politique» de l'Italie, provoqués par l'annonce de Mario Monti, aient un «effet de contagion immédiat» sur l'Espagne.

Cette réaction négative des marchés «était attendue», a déclaré à l'AFP Fabio Sdogati, professeur d'économie internationale à l'institut Politecnico de Milan. «Il est évident que le travail d'une année accompli en faveur de la réputation du gouvernement italien est perdu».

«Rien de tout cela ne serait arrivé si on était arrivé aux élections de manière normale. Aujourd'hui, le signal est une fois de plus lancé que les hommes politiques de ce pays ne sont pas fiables», souligne-t-il.

Le chef du Mécanisme européen de stabilité (MES), Klaus Regling, s'est montré inquiet.

«L'Italie a engagé des réformes importantes durant l'année écoulée», a-t-il déclaré au journal allemand Süddeutsche Zeitung, jugeant «important» que Rome poursuive le processus de réformes dans l'intérêt de l'Italie et l'ensemble de la zone euro.

Le ministre allemand des Affaires étrangères, Guido Westerwelle, et un membre du directoire de la Banque centrale européenne (BCE), l'Allemand Jörg Asmussen, ont plaidé dans le même sens.

«L'Italie ne doit pas s'arrêter sur le chemin des réformes alors qu'elle a fait les deux tiers du chemin à parcourir. Cela plongerait non seulement l'Italie, mais aussi l'Europe dans une zone de turbulences», a dit M. Westerwelle à l'hebdomadaire Der Spiegel.

Dans le quotidien populaire allemand Bild, M. Asmussen a jugé que «Le gouvernement de Mario Monti avait fait beaucoup en peu de temps: regagner la confiance des investisseurs, avancer dans le redressement des finances publiques. Celui qui gouvernera l'Italie après les élections va devoir poursuivre cette politique avec le même sérieux».

Les élections législatives, initialement prévues en avril, devraient être avancées à février. Leur résultat apparaît incertain dans un paysage politique complexe, marqué par une forte influence de mouvements populistes, tandis que l'économie est en pleine récession.

Toutefois, en l'état actuel des choses et en dépit de sa notoire capacité à rebondir, les chances de Silvio Berlusconi d'être élu apparaissent cette fois faibles. Et son principal concurrent, le socialiste Pierluigi Bersani, pour l'instant en tête des sondages, a promis de continuer sur la voie des réformes.

En outre, Mario Monti, bien que démissionnaire, n'a apparemment pas jeté totalement l'éponge et pourrait même se présenter de son côté, comme l'a discrètement suggéré son entourage ces derniers jours.

«Malgré sa démission, Mario Monti devrait jouer un rôle après les élections, soit comme (chef du gouvernement), soit comme président de la République. Les tensions de marché devraient s'apaiser sensiblement dès qu'il clarifiera ses intentions», estime Cédric Thellier, économiste de la banque Natixis.