Devant une conjoncture mondiale toujours difficile, deux poids lourds du BRIC misent de plus en plus sur le crédit pour se remettre en marche.

Des rapports confirment une nouvelle augmentation des prêts à la consommation au Brésil et des financements de grands projets en Chine. De bonnes nouvelles en temps normal, mais un phénomène inquiétant, selon des experts, qui y voient une menace pour un système bancaire plutôt fragile.

Le Brésil à la «carte»

Au Brésil, la situation devient préoccupante, car la Banque centrale vient de mettre sous tutelle une autre banque régionale (la BVA), soit une quatrième cette année. L'un des motifs derrière ce geste: un niveau insoutenable de mauvais prêts.

Crise européenne oblige, l'économie brésilienne devrait croître de seulement 1,8% cette année. Les exportations et l'industrie sont en panne, ne laissant que la consommation pour faire tourner la machine -avec le crédit comme principal carburant.

Les prêts à la consommation ont grimpé de 67% depuis trois ans, selon un bilan officiel, soit presque huit fois la croissance du PIB durant cette période. Et depuis peu, on voit se multiplier les achats par versements différés pour des biens courants, allant des chaussures aux accessoires de cuisine.

Selon une association nationale de fournisseurs de cartes de crédit (ABECS), 113 milliards CAN (230 milliards de real) d'achats par paiements différés - un record - ont été réalisés au cours des neuf premiers mois de 2012.

On achète de tout, en payant plus tard. Des médias locaux rapportent que le site web de la plus grande chaîne de magasins du Brésil, Lojas Americanas, proposait récemment des produits cosmétiques pouvant être payés... en trois ou quatre versements.

Ces programmes reposent directement ou indirectement sur les épaules de banques, qui laissent voir une fatigue certaine. La part de «mauvais prêts» des banques brésiliennes, dans l'ensemble de leur portefeuille, dépasse les 6% aujourd'hui. C'est environ trois fois le taux moyen des banques dans les pays développés, selon Bloomberg.

Sans compter que plus d'un détenteur de cartes de crédit sur quatre (28% en août) est en défaut de paiement au Brésil - un niveau parmi les plus élevés du monde.

Au pays de la samba, les intérêts exigés des porteurs de cartes de crédit vous feraient sauter au plafond, avec un taux d'environ 320% en moyenne, selon Proteste, une association de protection des consommateurs. Cela se compare à des taux de 16 à 18% aux États-Unis et au Canada.

«Le type qui entre dans un magasin pour faire un achat en 10 versements a déjà une auto à crédit et une marge de crédit à la banque», affirme Henrique Navarro, analyste chez Santander Investment, dans une récente note financière. «On ne peut pas prétendre qu'il n'y a aucun risque».

Rappelons que la présidente du Brésil, Dilma Rousseff, a obligé les banques à réduire les taux à la consommation l'été dernier afin de requinquer l'économie. La Banque centrale du pays est également intervenue pour soutenir la consommation en retranchant, depuis août 2011, pas moins de 5% à son taux directeur pour le ramener à 7,5%

Chine

Entre-temps en Chine, les prêts des banques ont ralenti cet automne, selon les chiffres officiels, mais seulement après une forte poussée l'été dernier.

Les prêts bancaires ont bondi de 22% en août à 703,9 milliards de yuans (110 milliards CAN), selon la Banque centrale, alors que le gouvernement cherche à soutenir une croissance qui fléchit.

La croissance de la deuxième économie mondiale a ralenti au deuxième trimestre (une sixième baisse consécutive) pour retomber à 7,6% en rythme annuel, un creux depuis trois ans.

La Banque centrale de Chine a abaissé les taux directeurs en juin et en juillet, en plus de réduire depuis décembre les réserves obligatoires des banques, leur permettant de prêter davantage.

Le mois dernier, Pékin a aussi donné le feu vert à 55 grands projets d'infrastructures d'une valeur de 150 milliards CAN, dont 25 lignes de métro. Et on a encore assoupli les normes sur les prêts, après les avoir temporairement resserrées.

Dans un récent rapport, l'agence Fitch s'inquiète de l'accélération du crédit en Chine. Surtout si l'on tient compte des financements informels - des prêts non bancaires réalisés par des organismes paragouvernementaux - et des prêts en provenance de l'étranger.

«Les nouveaux prêts vont dépasser un tiers du PIB pour la quatrième année consécutive», note un responsable de Fitch cité par l'AFP.

«Au rythme actuel, en 2013, les actifs du secteur bancaire chinois auront augmenté de près de 14 000 milliards US depuis 2008. En tout juste cinq ans, cela équivaut (aux actifs) du secteur bancaire américain», déplore Fitch.

Plusieurs pays riches, dont les États-Unis, paient aujourd'hui un lourd tribut pour leurs abus avec le crédit. Mais les comètes du BRIC croient qu'ils peuvent éviter un dérapage. Le temps dira s'ils en sont capables.