La Banque centrale européenne (BCE) a maintenu jeudi son principal taux directeur à 0,75%, un plus bas niveau historique auquel il stationne depuis quatre mois, a annoncé un porte-parole de l'institution monétaire.

Cette décision était largement anticipée par les analystes, qui considèrent qu'une baisse du taux n'aurait que peu d'effet sur la conjoncture, à l'instar de celle de juillet (de 0,25 point) qui a échoué à relancer la machine économique.

«Baisser les taux dans l'environnement actuel de forte segmentation des marchés risque de stimuler la croissance là où c'est le moins nécessaire», jugeait avant la décision Dirk Schumacher, de Goldman Sachs. C'est-à-dire qu'elle aurait profité aux économies solides, comme celle de l'Allemagne, et pas à celles qui vont mal.

Aucune annonce n'est a priori attendue lors de la conférence de presse du président de la BCE, Mario Draghi, qui se tiendra à 8h30 à l'issue de la réunion du conseil des gouverneurs.

L'institution monétaire de Francfort (ouest) devrait se cantonner, comme en octobre, à un rôle d'observateur de la crise, alors que son programme de rachat de dette des États baptisé OMT continue d'offrir un bol d'air à la zone euro.

Il n'a pourtant toujours pas été enclenché, aucun État n'ayant réclamé l'aide du fonds européen de secours, condition posée par la BCE pour agir.

L'Espagne, pressentie pour l'inaugurer, s'y refuse jusqu'à présent, craignant de devoir se plier à de nouvelles mesures d'austérité et arguant que les marchés sont suffisamment apaisés grâce à la création de l'OMT.

Les coûts d'emprunt espagnols, comme italiens, sont en effet retombés à des niveaux bien plus supportables qu'au cours de l'été, souligne Christian Schulz.

Situation confirmée jeudi avec une émission de 4,763 milliards d'euros à un taux en baisse à 3 et 5 ans, mais en hausse à 20 ans. Avec cette émission, Madrid a bouclé son programme d'émissions obligataires pour 2012.

En outre, grâce à l'action de la BCE, les banques du sud de l'Europe qui n'arrivaient plus à se financer sur le marché interbancaire semblent en avoir retrouvé l'accès, «réduisant leur dépendance à la BCE» pour trouver des fonds, ajoute Christian Schulz.

Cependant la zone euro est loin d'être sortie d'affaire comme en témoignent les dernières prévisions de la Commission européenne qui table sur une stagnation du PIB (+0,1%) et un niveau de chômage record de l'ordre de 12% en 2013.

Une situation qui devrait aussi rattraper l'Allemagne, première économie de la région, ont mis en garde mercredi les économistes qui conseillent le gouvernement du pays, ainsi que M. Draghi.

Lors d'un discours devant des banquiers à Francfort, M. Draghi, qui fête ce mois-ci sa première année à la tête de la BCE, a répété que les mesures de son institution «peuvent ramener la confiance à court terme» mais ne seront pas suffisantes à long terme, bien que la menace d'un éclatement de la zone euro ait été mise en sourdine depuis la rentrée. Et il a appelé une nouvelle fois les dirigeants européens à poursuivre les réformes structurelles et budgétaires entamées pour rassurer le reste du monde sur la viabilité de leur projet.

M. Draghi sera sans doute également interrogé sur la Grèce, qui vient d'adopter un nouveau train de rigueur devant lui ouvrir la porte vers le déblocage d'une tranche de prêts de 31,2 milliards gelée depuis juin, sans laquelle le pays risque la cessation de paiement à la fin du mois.

Or le ministre allemand des Finances Wolfgang Schäuble a déclaré jeudi à Hambourg (nord) ne pas s'attendre à un accord entre Athènes et ses créanciers «dans les semaines qui viennent», jetant un froid sur ces espérances.

Plus généralement, M. Schäuble a estimé que l'Union européenne était «sur la voie pour résoudre (ses) problèmes», mais a reconnu que «le ralentissement de l'économie mondiale dans son ensemble affecte aussi (sa) capacité à maîtriser la crise européenne».