C'est d'abord la conséquence immédiate d'une économie mondiale affaiblie, la consommation de pétrole ralentit.

En parallèle, la production de brut continue d'augmenter dans le monde, surtout en Irak et aux États-Unis.

En résultent à la fois une bonne nouvelle et une surprise: le monde se retrouve avec un surplus d'or noir.

Quel retournement! Au printemps dernier, des experts redoutaient une pénurie en raison des tensions en Iran et en Syrie, en plus des problèmes d'approvisionnement aux États-Unis et ailleurs. Ces craintes avaient d'ailleurs propulsé le brut à un sommet annuel de 109$US le baril (WTI).

Or, ces menaces ne sont plus aussi pressantes et on réalise que le tarissement des réserves pétrolières n'est pas pour demain. Loin de là. Selon diverses analyses, la production mondiale de brut excédera largement la demande cet automne, soit de quelque 630 000 barils par jour (bpj) - le plus grand surplus en quatre ans.

L'AIE (Agence internationale de l'énergie) vient aussi d'abaisser d'environ un demi-million de bpj la croissance de la demande mondiale jusqu'en 2016. En cause: la dégradation de la conjoncture planétaire, couplée aux efforts d'efficacité énergétique.

L'offre

Les négociateurs de brut à New York ont d'ailleurs avalé leur café de travers mercredi dernier en apprenant que les stocks pétroliers aux États-Unis ont fait un bond trois fois plus important que prévu à la mi-octobre. Autrement dit, les Américains nagent dans les surplus.

L'effet a été immédiat: le baril de «light sweet crude» (WTI) a accéléré sa glissade pour passer sous les 86$US, avant de se redresser un peu à la fin de la semaine. Un plongeon d'environ 20% en six mois.

Goldman Sachs et BNP Paribas prévoient pour leur part «d'autres pressions à la baisse» sur les cours à court et à moyen terme.

D'où vient tout ce pétrole? Les experts pointent à nouveau un phénomène majeur, soit une hausse de production là où l'on ne l'attendait plus.

Pour la première fois depuis 2003, l'Irak a réussi à augmenter sa production pétrolière à 3 millions de bpj l'été dernier - un seuil jugé critique - et serait capable d'atteindre les 8 millions de bpj d'ici 20 ans moyennant des investissements majeurs. Le cas échéant, les Irakiens contribueraient pour 45% de l'offre supplémentaire mondiale de pétrole.

Mais la principale locomotive pétrolière est l'Amérique du Nord. Car la révolution du gaz de schiste s'accompagne d'un essor spectaculaire des huiles de schiste, dans le Dakota notamment, et autres pétroles non conventionnels comme les sables bitumineux du Canada.

Si bien que ce «brut nouveau» représentera, à lui seul, 40% de la croissance de la production mondiale d'ici 2017, selon l'AIE.

La demande

Malheureusement pour l'environnement, la planète va continuer à utiliser toujours plus de pétrole au cours des prochaines années. Mais la progression, de 1,2% par an, sera moindre que ne le prévoyait l'AIE il y a un an.

Les pays développés, membres de l'OCDE, vont poursuivre la tendance amorcée en 2008 et consommer de moins en moins d'or noir. En 2014, pour la première fois, ils en utiliseront moins que le reste du monde.

Crise aidant, l'économie d'énergie est même en vogue aux États-Unis ces temps-ci. Les ventes de Fiat 500, de Chevrolet Sonic et autres voitures «compactes» et «sous-compactes» ont augmenté de 50% le mois dernier. Une hausse spectaculaire.

Si bien que les petites bagnoles accaparent presque 20% du marché américain - un sommet depuis 1993.

Peu de gens croient pour autant que la passion des «gros chars» se meurt chez nos voisins du Sud. Les sentiments peuvent changer rapidement, surtout si les prix de l'essence continuent de baisser à des niveaux plus acceptables pour les amateurs de 4X4.

Reste qu'on peut oublier les prédictions de «pic pétrolier» ou d'«épuisement des ressources» dont les prophètes de malheur nous parlaient il n'y a pas si longtemps.

L'abondance énergétique, qui a contribué à faire des États-Unis la première puissance mondiale au début du XXe siècle, est de retour. Le pays des ExxonMobil et ConocoPhilips a davantage de pétrole que l'Arabie saoudite, l'Irak et l'Iran réunis, à en croire un rapport du Government Accounting Office (GAO).

L'un des principaux sites potentiels, la Green River Formation - formation rocheuse à cheval sur le Colorado et l'Utah - recèlerait 3000 milliards de barils de pétrole de schiste.

Si la moitié de ce pétrole était récupérable, cela équivaudrait à l'ensemble des réserves mondiales. Ça fait beaucoup de brut qui dort sous terre. Reste à voir si ce trésor permettra un jour aux automobilistes, même à Montréal, de se rendre à la station-service avec le sourire aux lèvres.