En juin à la Conférence de Montréal, le responsable du marché intérieur et des services à la Commission européenne Michel Barnier avait lancé à l'auditoire un brin sceptique ce vibrant appel: «Soyez exigeants, soyez critiques envers l'Europe, mais soyez aussi lucides, justes et équitables envers elle. Il est inédit que 27 nations veuillent mutualiser leur destin de façon démocratique. Voilà pourquoi c'est difficile et compliqué.»

Il n'aurait su mieux dire.

Difficile et compliqué, ont retenu les participants. Force est de constater que l'heure est venue d'être lucide, juste et équitable.

L'Europe a fait beaucoup de chemin depuis le printemps.

Et à la lumière du XXe sommet de ses chefs de gouvernement depuis l'éclatement de la crise financière en août 2007 qui s'est terminé hier, tout indique qu'elle parviendra à mettre en place un Mécanisme unique de supervision (MUS) des quelque 6000 banques des 17 pays de la zone euro.

Les 2300 banques des 10 autres pays de l'Union européenne qui ont conservé leur monnaie pourront aussi être encadrées par le MUS, si telle est la volonté de leur gouvernement. Le Royaume-Uni a une fois de plus choisi de faire bande à part dans le but de préserver la City, premier centre financier de l'Union.

Le MUS serait sous la responsabilité de la Banque centrale européenne qui devra cependant préserver la neutralité de sa politique monétaire en dépit de ce nouveau mandat.

La mise en place du MUS devrait se faire dans le courant de l'an prochain, les chefs de gouvernement s'étant entendus pour se réunir à nouveau en décembre pour en approuver le cadre juridique. Une fois le MUS en place, il pourra faire fonctionner le Mécanisme européen de stabilité (MES) qui aura le pouvoir de renflouer directement les banques européennes en difficulté, les espagnoles au premier chef. Il est doté d'une force de frappe de 500 milliards d'euros.

Quand ce chantier sera achevé, la zone euro pourra plancher sur un mécanisme d'assurance-dépôts.

Tous ces délais, qui sont le résultat d'un compromis entre une France pressée de relancer la croissance et une Allemagne désireuse de soustraire ses banques régionales (les landesbanks sont une sorte de métissage entre les coopératives et les fonds publics d'investissements) à l'autorité du MUS au profit de sa banque centrale, font dire aux eurosceptiques que ce sera long, très long, trop long avant d'aboutir.

Pour l'instant, ils sont toutefois moins nombreux qu'au printemps, comme en font foi les diminutions considérables des coûts d'emprunts de l'Espagne et de l'Italie. En juillet, Madrid devait consentir un taux de 7,5% pour un prêt de 10 ans. Hier, ce n'était plus que 5,3%. Les coûts d'emprunt de l'Italie sont pendant ce temps passés de 6,5% à 4,75%.

Tout cela donne de l'oxygène à Madrid et à Rome. À la première pour secourir ses banques sans faire appel à un plan d'urgence et au carcan du Fonds monétaire international, à la seconde pour s'extirper d'une récession avant le déclenchement d'élections où les élus reprendront les rênes du pouvoir confiées avec succès au technocrate Mario Monti.

La semaine prochaine, on annoncera sans doute que la Grèce s'est qualifiée pour obtenir la nouvelle tranche de 31 milliards d'euros du deuxième plan de sauvetage de 130 milliards d'euros.

Encore une fois, il aura été minuit moins cinq. Encore une fois l'édification européenne se sera poursuivie.