Depuis le début de 2012, le gouvernement du Venezuela a augmenté ses dépenses du tiers, en grande partie dans ses programmes sociaux. Or, comme le prix du pétrole a baissé cette année et qu'il devrait suivre cette tendance l'an prochain à cause de la crise européenne, les emprunts explosent.

Cela devrait forcer Hugo Chavez, qui a été réélu dimanche à la présidence du pays, à dévaluer la monnaie de 74% et à causer une récession pouvant retirer entre 3,5% et 7,4% au PNB. Telle est l'analyse faite pour Bank of America Merryl Linch par Francisco Rodriguez, qui était de 2000 à 2004 l'économiste en chef de l'Assemblée nationale du Venezuela.

«Les statistiques publiées par le Venezuela sont problématiques, et ce problème est exacerbé par l'utilisation par le gouvernement de fonds hors budget», a expliqué à La Presse M. Rodriguez, joint à New York mercredi dernier. «Nous pouvons cependant nous fier à celles de la Banque centrale du Venezuela, qui montrent que les réserves internationales ont diminué rapidement cette année.»

Pour compliquer le tout, la production de pétrole stagne à trois millions de barils par jour, alors que Hugo Chavez avait promis de l'augmenter à cinq millions pour financer ses programmes sociaux. Cette stagnation est due à un manque d'investissements, qui sont deux fois moins élevés (12 à 17 milliards US au lieu de 30 milliards US par année) que nécessaire parce que les revenus pétroliers sont siphonnés vers les activités courantes du gouvernement. Au Venezuela, le pétrole constitue 12% du PNB, 40% des revenus du gouvernement et 90% des exportations.

Si l'opposant de Hugo Chavez, Henrique Capriles, avait gagné dimanche, l'ajustement aurait été moins dur et moins rapide, selon M. Rodriguez: d'un côté, ce dernier voulait rouvrir le pays aux capitaux étrangers et, de l'autre, il n'aurait pas eu la même marge de manoeuvre que M. Chavez avec les syndicats et les groupes de défense des pauvres. Le pire scénario, selon l'économiste de Bank of America, serait une rechute du cancer de M. Chavez qui forcerait une autre élection présidentielle en 2013. Dans ce cas, l'ajustement du taux de change serait probablement retardé pour éviter les troubles sociaux et la capacité du Venezuela de rembourser ses créanciers étrangers pourrait être mise en doute.

Parmi la demi-douzaine de rapports sur le Venezuela écrits pour Bank of America par M. Rodriguez cette année, l'un d'entre eux prédisait en août que M. Chavez remporterait l'élection avec au moins 10 points d'avance, comme cela s'est produit dimanche. Il note aussi, dans son analyse de la «poussée fiscale» ayant gonflé les dépenses gouvernementales cette année, qu'il s'agit d'une approche courante dans une année électorale dans la région. «Le gouvernement chaviste a même diminué les transferts aux régions pour gonfler les dépenses directes, dit M. Rodriguez. La loi vénézuélienne prévoit que les transferts aux régions soient proportionnels à la population. Or, certaines régions populeuses sont gouvernées par l'opposition.»

M. Rodriguez avait scandalisé les chavistes en 2008 avec une étude publiée par le mensuel américain Foreign Affairs, dans laquelle il démontrait que les progrès sociaux sous le chavisme étaient en fait des tendances datant du début des années 90. Cette analyse avait été notamment contestée par l'économiste de gauche Mark Weisbrot, directeur du Centre de recherche économique et politique de Washington, qui estime qu'Hugo Chavez est victime de médisance de la part des journalistes économiques occidentaux.