Le millionnaire Frank Stronach, fondateur de l'équipementier automobile canadien Magna, se lance à 80 ans en politique dans son pays d'origine, l'Autriche, et va présenter jeudi à Vienne son nouveau parti à la ligne critique envers l'Union européenne, en vue des élections législatives de 2013.

Profitant de la méfiance des Autrichiens envers Bruxelles, l'Austro-canadien est crédité dans les sondages mi-septembre de 6 à 10% des intentions de vote, alors qu'il a à peine tracé les grandes lignes de son programme, s'appuyant sur une réforme de l'euro et une critique du Mécanisme européen de stabilité (MES), ainsi qu'une fiscalité simplifiée, avec un taux unique d'imposition.

Frank Stronach déclare espérer obtenir 20 à 30% des voix, avant même d'avoir annoncé le nom de son parti, qui défendra selon lui les valeurs de «vérité, transparence et équité» et se positionne comme critique à l'égard de la corruption des politiques autrichiens.

«Je ne suis pas un politicien, je suis très indépendant, je ne représente aucun intérêt, si ce n'est les intérêts des citoyens», a-t-il expliqué dans un allemand teinté d'accent anglais, lundi soir dans une interview télévisée sur la chaîne privée Puls4.

Fils de paysans né en 1932 à Weiz, dans le sud de l'Autriche, Franz Stronach quitte l'école à 14 ans et arrive au Canada en 1954, avec en poche une formation d'apprenti et 200 dollars. Après avoir occupé divers petits boulots, il crée en 1957 son entreprise, qui deviendra le géant mondial Magna, fournisseur d'équipements automobiles pour BMW, Toyota, Hyundai ou encore PSA Peugeot Citroën. Il en cède les rênes en 2011, mais ne semble pas vouloir se consacrer à une paisible vie de retraité, ni à sa passion pour les courses hippiques.

Il s'est même récemment déclaré intéressé par la reprise de la société publique des chemins de fer autrichiens ÖBB, dont certains dirigeants autrichiens évoquent une possible privatisation.

Des affaires à la politique, il n'y a qu'un pas: «Dans un pays, les citoyens ont le rôle des actionnaires», a déclaré celui dont la fortune s'élève à 1,2 milliard de dollars US, selon le magazine Forbes.

Stronach a déjà tenté de se lancer en politique au Canada: candidat du Parti libéral pour les élections législatives de 1988 dans une circonscription de l'Ontario, il est battu par son adversaire conservateur. Sa fille Belinda a mieux réussi, devenant députée pour ce même parti de 2004 à 2008.

Les élections législatives devraient avoir lieu à l'automne 2013 en Autriche, pour renouveler une assemblée dominée par une grande coalition entre sociaux-démocrates (SPÖ) et conservateurs (ÖVP). Le parti de Frank Stronach doit atteindre le seuil de 4% des voix pour avoir des élus aux côtés des deux principales formations, des Verts et des partis d'extrême droite FPÖ et BZÖ.

Le nouveau parti n'a pour l'instant que sa tête de liste, en la personne de son fondateur. Stronach n'a pas souhaité dévoiler le nom de ses soutiens avant le lancement officiel du parti. On sait simplement que l'homme d'affaires a pour l'instant rallié à lui quatre députés actifs, l'un du SPÖ, trois du BZÖ. C'est ce dernier parti qui, selon les sondages, semble le plus souffrir de l'initiative de Stronach: il pourrait ne pas atteindre 4% des suffrages.

Les dernières enquêtes des instituts OGM, Gallup et Market parus à la mi-septembre donnent le SPÖ en tête à près de 30% des intentions de vote, suivi d'un ÖVP faiblissant (21-24%) au coude à coude avec le FPÖ (20-23%), et des Verts (15%).

Un autre riche Autrichien a tenté l'aventure parlementaire par le passé, sans succès. Le magnat du bâtiment Richard Lugner avait présenté une liste indépendante aux législatives de 1999. Pensant réitérer l'exploit d'avoir récolté presque 10% des voix lors de l'élection à la présidence - fonction purement représentative en Autriche - l'année précédente, Lugner avait dû se contenter au final d'un bien maigre 1,02% des suffrages.