La France et l'Espagne ont franchi avec succès jeudi leur premier test d'envergure sur les marchés, après l'abaissement de leurs notes, avant une nouvelle séance de négociations cruciales pour la Grèce, prévue dans la soirée, qui pourrait déboucher sur un accord avec les banques.

L'Espagne a fait carton plein jeudi en parvenant à emprunter beaucoup plus que le montant espéré, et à des taux réduits sur l'échéance à dix ans, la plus sensible pour les marchés. Le trésor espagnol a emprunté 6,609 milliards d'euros, soit un montant bien supérieur à son objectif compris entre 3,5 et 4,5 milliards d'euros. Paris de son côté a emprunté confortablement près de 9,5 milliards d'euros, un montant conforme à ses objectifs, et avec des taux également en baisse.

Ces emprunts français et espagnol, dont certains sur dix ans, avaient valeur de test, moins d'une semaine après l'abaissement par l'agence de notation Standard & Poor's des notes de neuf pays de la zone euro, dont la France, qui a perdu son triple A. L'Espagne avait vu de son côté sa note abaissée de deux crans, tout comme celle de l'Italie ou du Portugal. Cet abaissement en série, bien qu'anticipée par les marchés, avait fait craindre une hausse du coût des emprunts de ces États sur le marché de la dette, et une nouvelle dégradation de la crise de la dette, qui mine la zone euro depuis décembre 2009.

Or depuis lundi tous les pays européens qui se sont présentés sur le marché de la dette, la France, l'Espagne, le Portugal et l'Allemagne, ont réussi à emprunter largement avec des taux en baisse.

Pour l'Espagne, c'est la sixième émission consécutive qui se passe bien, avec un coût de financement globalement plus bas, notamment pour les obligations à 10 ans.

Pour autant, la crise est loin d'être réglée. La Grèce cherche toujours à convaincre ses créanciers privés (banques, fonds d'investissement, etc.) à accepter de réduire de 100 milliards d'euros le montant de leurs créances. Un nouveau round de négociations est prévu jeudi soir à Athènes avec le premier ministre grec Lucas Papademos.

Vendredi dernier, les discussions avaient buté sur un désaccord entre les parties sur le taux d'intérêt que devra verser la Grèce sur les nouvelles obligations qui seront émises.

Mercredi, une source bancaire a indiqué à Paris que les banques françaises, qui ont déjà provisionné 60% de leur exposition sur la valeur de leurs titres d'État grecs allaient devoir provisionner davantage, laissant ainsi entrevoir que la décote finalement subie par les créanciers privés sera supérieure à 60%, ainsi que le souhaitait Athènes, soutenue par l'Allemagne et le FMI.

Les autorités grecques n'ont cessé de réaffirmer leur optimisme, jugeant mercredi soir qu'un accord était possible «avant la fin de la semaine». Jeudi, ils ont annoncé l'ouverture prochaine de négociations pour de nouveaux prêts avec le Fonds monétaire international (FMI). Ce dernier se tenait jusqu'à présent à distance, dans l'attente notamment du résultat des négociations entre la Grèce et ses créanciers privés.

Les bailleurs de fonds cette fois publics de la Grèce, la Banque centrale européenne, la Commission européenne et le FMI, avaient reporté leur mission à Athènes prévue au début de la semaine, également dans l'attente de l'issue de ces discussions. Cette troïka est attendue vendredi matin pour une première réunion avec le ministre des Finances Evangélos Vénizélos.

La Grèce doit impérativement les convaincre de débloquer l'aide promise en octobre par les Européens, soit un total de 130 milliards d'euros.

Faute d'accord, Athènes est sous la menace d'un défaut de paiement en mars, qui menacerait l'existence à terme de la zone euro. Sans accord avec ses créanciers, le pays ne pourra en effet pas rembourser 14,4 milliards d'obligations arrivant à échéance le 20 mars.

Cette bouffée d'air pour la zone euro sur les marchés ne devrait toutefois pas l'empêcher d'entrer en récession cette année, selon son «patron» Jean-Claude Juncker. «Dans la zone euro, nous sommes au bord de la récession technique», a déclaré mercredi soir le chef de file des ministres des Finances de l'Union monétaire. Une récession «technique» est définie par les économistes par deux trimestres consécutifs au moins de recul du Produit intérieur brut (PIB).

Le FMI a indiqué vouloir disposer d'au moins 500 milliards de dollars supplémentaires pour faire face à la crise de la zone euro et ses retombées sur l'économie mondiale.

Mais les États-Unis ont fermement manifesté mercredi leur refus de remettre au pot. «Nous avons dit à nos partenaires internationaux que nous n'avions aucune intention de demander des ressources supplémentaires pour le FMI», a indiqué à l'AFP une porte-parole du Trésor, Kara Alaimo.