La bonne santé économique du Brésil attire de plus en plus de travailleurs du monde entier, mais le gouvernement vient de décider de fermer sa frontière amazonienne aux immigrants haïtiens, rompant sa tradition de terre d'accueil.

Le géant sud-américain veut freiner l'entrée illégale de milliers d'Haïtiens qui continuent à fuir leur île dévastée par le séisme de janvier 2010, une attitude qu'il avait toujours critiquée auparavant, rappellent des analystes.

Le ministère de la Justice a annoncé mardi que les Haïtiens ne pourront désormais entrer qu'avec un visa de travail émis par l'ambassade du Brésil à Port-au-Prince, la capitale haïtienne. Une centaine de visas seulement seront délivrés chaque mois.

Il a indiqué néanmoins que les 4.000 Haïtiens illégaux déjà présents sur le sol brésilien seraient régularisés.

La décision de régulariser les Haïtiens était attendue, mais le durcissement de la politique d'immigration, traditionnellement permissive, a surpris.

«Le Brésil ferme ses frontières pour contenir l'invasion des Haïtiens», titrait en une mercredi le quotidien O Globo.

«C'est une situation nouvelle pour le Brésil qui, pour la première fois, fait face à un flux de personnes qui arrivent dans le pays parce qu'ils y voient une source d'emploi et d'opportunités», explique à l'AFP Olivier Stuenkel, professeur de relations internationales à la Fondation Getulio Vargas.

Les Haïtiens, qui arrivent par des filières de «coyotes» (passeurs), cherchent du travail dans les immenses usines hydroélectriques en construction en Amazonie ou à Sao Paulo, le poumon économique du Brésil, détaille à l'AFP le secrétaire à la Justice et aux droits de l'Homme de l'État amazonien de l'Acre, Nilson Mourao, où dans une seule ville, Brasilia, plus de mille Haïtiens sont réfugiés.

«C'est le prix que le Brésil paye pour être devenu la sixième économie du monde», ajoute-t-il.

Pendant des décennies de croissance économique en Europe, aux États-Unis et au Japon, les Brésiliens ont migré vers ces pays en quête d'un emploi souvent précaire. Le gouvernement brésilien critiquait durement les restrictions migratoires imposées par ces pays.

Maintenant, c'est le vaste pays émergent qui reçoit des Européens, des Américains et des travailleurs de pays pauvres.

«Nous considérons injustes les politiques migratoires adoptées dans certains pays riches», clamait en 2009 l'ex-président Luiz Inacio Lula da Silva en amnistiant des dizaines de milliers d'immigrants étrangers illégaux.

«Le Brésil a toujours réagi avec indignation au traitement souvent discriminatoire donné à ses ressortissants aux États-Unis et en Europe» mais, maintenant, il doit «se préparer à recevoir de façon adéquate les nouvelles vagues d'immigrants», souligne le quotidien Folha de Sao Paulo dans son éditorial mercredi.

Au Brésil, il n'est pas facile d'obtenir un visa de travail ou de séjour, mais le pays fermait régulièrement les yeux sur l'arrivée d'immigrants de pays plus pauvres -comme la Bolivie- et il a amnistié périodiquement les clandestins.

«On donne plus d'opportunités à l'immigrant illégal et pauvre qu'au légal pour obtenir le statut de résident ou un visa de travail, fruit d'une politique basée sur la solidarité avec les pays pauvres», rapporte le professeur de Droit international, Salem Nasser.

La présidente Dilma Rousseff a prévu une visite en Haïti le 1er février pour renforcer la coopération avec ce pays où le Brésil dirige la force de paix de l'ONU, mais le durcissement de la politique d'immigration vis-à-vis des Haïtiens devrait figurer en bonne place dans le menu des discussions.