La France a réussi jeudi sa première émission obligataire de l'année, mais cette opération n'a pas rassuré les marchés en proie aux rumeurs et aux inquiétudes sur la santé du secteur bancaire européen.

Paris a placé, comme prévu, auprès des investisseurs près de huit milliards d'euros d'obligations sur des échéances longues.

Pour l'obligation de référence à dix ans, si les taux d'emprunt sont restés bas, ils sont toutefois ressortis en légère hausse - à 3,29% contre 3,18% lors de la dernière émission similaire - tandis que la demande a été moins forte qu'à l'accoutumée.

«Cette levée de fonds est globalement un succès», estime néanmoins Cyril Regnat, stratégiste obligataire chez Natixis.

«La demande reste soutenue et sur le très long terme (à échéance 2035 et 2041, NDLR) les montants alloués recouvrent déjà une grande partie de ce qui avait été levé sur l'ensemble de 2011», ajoute-t-il.

Pour sa part, le Fonds de soutien de la zone euro (FESF) a levé sans difficulté trois milliards d'euros à trois ans pour venir en aide à l'Irlande et au Portugal, qui bénéficient d'un programme d'aide international.

Mercredi, Berlin avait placé 4 milliards d'euros à 10 ans à 1,93%, mais l'opération n'avait pas déchaîné l'enthousiasme n'ayant attiré que 5,14 milliards d'euros d'offres, à peine plus que son objectif de départ de 5 milliards d'euros.

Ces opérations, qui ont valeur de test, sont particulièrement suivies alors que les doutes sur la solidité du secteur bancaire attisent les craintes qui pèsent sur les dettes des États européens.

En Espagne, les banques auront probablement besoin de provisionner jusqu'à 50 milliards d'euros en plus pour nettoyer leurs comptes, selon le ministre espagnol de l'Économie, Luis de Guindos.

Et, en Italie, la première banque du pays, Unicredit, doit se brader pour tenter d'attirer de nouveaux actionnaires: elle va céder ses titres avec une décote énorme de 43% pour réaliser son augmentation de capital de 7,5 milliards d'euros.

«C'est une très mauvaise nouvelle. Certains établissements vont être contraints de se recapitaliser pour consolider leurs fonds propres dans des conditions de marché très défavorables», déplore Arnaud de Champvallier, directeur de Turgot Asset Management.

Autre motif de tension, les dysfonctionnements sur le marché des prêts entre banques persistent.

Les établissements de la zone euro ont déposé 443 milliards d'euros entre mercredi et jeudi auprès de la Banque centrale européenne (BCE), un léger recul par rapport au record de la veille de 453 milliards, mais qui montre que la situation est loin d'être normalisée.

Ce marché fonctionne donc toujours en circuit fermé: la BCE prête massivement et généreusement aux banques, comme elle l'a fait en décembre en leur allouant plus de 489 milliards d'euros, mais les établissements préfèrent déposer leurs surplus de liquidités auprès d'elle plutôt que de se prêter entre eux ou à l'économie réelle.

Ces tensions pesaient sur l'euro qui est tombé à son plus bas niveau depuis seize mois face au dollar (en dessous des 1,28 dollar) et depuis plus de onze ans face au yen.

Les valeurs bancaires étaient particulièrement malmenées sur les différentes places financières européennes.

Vers 9h45, à Paris, Société Générale cédait près de 4%. En Italie, Unicredit dévissait de plus de 14% et Intesa San Paolo de plus de 6% et, en Espagne, Banco Santander perdait plus de 3,5%. Enfin, à Francfort, le titre Deutsche Bank lâchait plus de 4%, affecté par des rumeurs sur une possible augmentation de capital de l'établissement.

Peu de nouvelles étaient à même de rassurer les marchés.

En Espagne, le nouveau gouvernement conservateur a cependant dévoilé un plan de lutte contre la fraude fiscale qui doit lui permettre de récupérer, en principe, plus de 8 milliards d'euros en 2012.