Peu importe l'identité des équipes qui s'affronteront en finale de la Coupe Stanley en juin prochain, le duel de l'année dans la LNH opposera le commissaire Gary Bettman au nouveau directeur de l'Association des joueurs, Donald Fehr, qui doivent renégocier la convention collective venant à échéance le 15 septembre 2012.

Un duel qui pourrait faire des flammèches. Au point de provoquer l'annulation de certains matchs, voire de la saison 2012-2013 au complet? L'économiste américain Patrick Rishe en doute. «La LNH ne devrait probablement pas être obligée d'annuler des matchs. La ligue ne veut surtout pas répéter le lock-out de 2004-2005. Elle a un nouveau contrat de télé avec NBC et la valeur des équipes augmente selon Forbes, même si la majorité d'entre elles perdent de l'argent», a dit le professeur d'économie à l'Université Webster à St. Louis, en entrevue à La Presse Affaires.

Des quatre ligues majeures de sport professionnel en Amérique du Nord, la LNH a l'avantage d'être la dernière à négocier sa convention collective. En 2011, la NFL est parvenue à un accord au terme d'un lock-out de cinq mois, mais sans rater de matchs réguliers. La NBA a décrété un lock-out de six mois qui a raccourci la saison régulière de 82 à 66 matchs. «La véritable question, c'est de savoir si les parties auront la sagesse de tirer des leçons des conflits de travail dans la NFL et la NBA, dit Stephen Greyser, professeur d'administration et spécialiste de l'économie du sport à la Harvard Business School. Dans la NBA, il n'y avait pas beaucoup de différences entre l'entente qui aurait permis de sauver toute la saison et celle qui a finalement été acceptée.»

Au football comme au basketball, les joueurs ont fait des concessions salariales importantes. Dans la NFL, les revenus des joueurs sont passés de 53,3% à au moins 47%. Dans la NBA, ils sont passés de 57% à 50%. Les joueurs de hockey se séparent actuellement 57% des revenus générés par les activités de la LNH.

Le baseball majeur s'est entendu en novembre à l'amiable avec ses joueurs, qui ont eu droit à 53,7% des revenus la saison dernière. Il n'y a pas de plafond salarial au baseball. «La part des revenus des joueurs de hockey devrait diminuer, dit l'économiste Patrick Rishe. Plusieurs propriétaires de la LNH ont aussi une équipe de la NBA. Ils peuvent dire aux joueurs de hockey: «Les joueurs de football et de basket génèrent beaucoup plus d'argent que vous et ils ont une moins grande partie des revenus.»

Au terme du lock-out de 2004-2005, les propriétaires de la LNH ont réussi à imposer aux joueurs un plafond salarial lié aux revenus de la ligue. Or, les revenus de la LNH ont augmenté rapidement en raison des succès financiers des équipes riches comme le Canadien de Montréal et les Maple Leafs de Toronto. Les équipes moins bien nanties ont dû composer avec un plafond et un plancher salariaux à la hausse mais des budgets internes aussi serrés.

Les propriétaires pourraient être tentés de corriger ces inégalités entre les équipes dans la prochaine convention collective. «Le plancher salarial est devenu une aberration, dit André Richelieu, professeur en marketing sportif à l'Université Laval. Certaines équipes sont obligées d'accorder des contrats faramineux à des joueurs ordinaires pour respecter le plancher salarial.»

«Les propriétaires aimeraient probablement mieux un système d'inflation prévu à l'avance, qui ne serait pas calculé en fonction de la hausse des revenus», dit l'économiste américain Patrick Rishe.

À la table des négociations, les joueurs de la LNH ont un atout que ne possédaient pas leurs confrères de la NFL et de la NBA: l'option de jouer en Europe, où il existe plusieurs circuits professionnels de qualité, dont la KHL en Russie. Il y a aussi leur négociateur en chef Donald Fehr, qui a dirigé l'association des joueurs la plus puissante du sport professionnel nord-américain, celle des joueurs de baseball de 1983 à 2009 avant d'être embauché en décembre 2010 pour diriger l'Association des joueurs de la LNH.

Donald Fehr aura plusieurs arguments à faire valoir sur la gestion de la LNH, qui a installé plusieurs équipes des marchés de hockey non traditionnels dans le Sud des États-Unis. D'autres observateurs croient que la LNH pourrait générer davantage de revenus en Europe même si elle n'y installe pas une équipe. «La LNH n'a même pas de bureau en Europe tandis que la NBA en a huit. Si la LNH voulait être conquérante en Europe, elle pourrait y organiser un match des étoiles avec la KHL», dit André Richelieu, professeur en marketing sportif à l'Université Laval.

En plus de négocier la prochaine convention collective, Gary Bettman doit trouver un acheteur pour les Coyotes de Phoenix (voir autre texte), surveiller les déboires financiers des Devils du New Jersey qui ont raté des paiements hypothécaires cet automne et trouver une solution à l'aréna vétuste des Islanders de New York, qui se sont vu refuser par référendum l'été dernier le financement public d'un nouvel aréna de 400 millions.