La Chine - qui compte 1,3 milliard de bouches à nourrir - sera bientôt le premier importateur mondial d'aliments. Le Québec, dont les exportations agroalimentaires en Chine ont bondi de 300% en trois ans, doit en profiter pour assurer sa croissance. Mais les écueils sont nombreux avant de faire fortune dans l'empire du Milieu, a constaté La Presse.

«La Chine n'est plus le pays qui produit pendant que le monde consomme, lance avec assurance Michael Zhu, président du supermarché Ja-e de Shanghai. La Chine va devenir le plus important consommateur de la planète.»

Après avoir fait fortune en exportant du mobilier de jardin fabriqué dans les usines de son pays, M. Zhu veut profiter du nouvel appétit de ses concitoyens. L'homme d'affaires importe des aliments et biens du monde entier, en Chine. «Nous voulons du volume, du volume et du volume, explique-t-il aux entrepreneurs canadiens venus le rencontrer, par un beau matin de novembre. La classe moyenne en Chine comptera bientôt plus de personnes que la population américaine dans son ensemble.»

Deuxième économie du monde, la Chine est le pays le plus peuplé, avec 1,3 milliard de bouches à nourrir quotidiennement. «Seulement à Shanghai, il y a 23 millions de personnes, souligne Henry Deng, délégué commercial au consulat général du Canada à Shanghai, dans un bus qui traverse la capitale économique chinoise. Nous avons une grande occasion, celle de leur fournir de la nourriture canadienne.»

Déjà, les exportations agroalimentaires du Canada en Chine ont atteint une valeur de 2,7 milliards en 2010. C'est quatre fois plus qu'il y a quatre ans. Mais c'est une portion minuscule (4,18%) de toutes les importations de nourriture de la Chine, qu'Ottawa veut voir augmenter. «En tant que pays nord-américain, le Canada pourrait devenir un important fournisseur de produits alimentaires de la Chine», estime Agriculture et Agroalimentaire Canada dans une étude parue en juillet.

Le Québec veut aussi sa part du gâteau. «Le secteur de l'agroalimentaire en Chine fait l'objet de priorités pour nous», indique Daniel Dignard, directeur du bureau du Québec à Pékin. La province part de loin: à peine 112 millions de dollars de produits agroalimentaires de chez nous ont été expédiés en Chine en 2010. Mais là aussi, la hausse est impressionnante: 300% en trois ans.

Intérêt accru au Québec

Déjà, «les exportations agroalimentaires du Québec atteignent de 150 à 200 millions pour les 10 premiers mois de 2011, dit M. Dignard. Pour les entreprises du Québec, la Chine devient incontournable. Il faut qu'elles soient là, maintenant. C'est un marché qui est en forte croissance. On sent qu'on vit un moment historique.»

«Il y a eu beaucoup d'intérêt pour la Chine quand on l'a vue s'ouvrir, rappelle Stéphane Legros, coordonnateur aux marchés extérieurs chez Transformation alimentaire Québec (TRANSAQ). Puis le secteur s'est un peu refroidi, constatant que la législation, la culture d'affaires et les réseaux n'étaient pas encore nécessairement développés à l'époque. On sent une recrudescence de l'intérêt depuis quelques mois, peut-être un an et demi.»

Garnis de lait néo-zélandais, de biscuits américains et de confitures françaises, les supermarchés chic de Shanghai et Pékin laissent voir que d'autres ont été plus rapides. «Incontestablement, il est temps pour nos entreprises agro-alimentaires canadiennes et québécoises de penser comment exploiter le marché chinois, observe Zhan Su, titulaire de la chaire Stephen A. Jarislowsky en gestion des affaires internationales de l'Université Laval. Au cours des 10 dernières années, la valeur de la production de l'industrie agroalimentaire en Chine a connu un taux de croissance de plus de 20% par an. Mais les besoins demeurent encore énormes, et ce, surtout pour les produits occidentaux.»

Duo Li, professeur au département des sciences de l'alimentation et de la nutrition de la réputée Université du Zhejiang, n'en est pas convaincu. «La Chine est autosuffisante, assure-t-il. Nous pouvons nourrir 1,4 milliard de personnes sans problème.» C'est d'abord pour cultiver de bonnes relations avec les autres pays que la Chine importe des denrées agroalimentaires, selon lui.

Les Chinois veulent profiter de nos ressources

Gros avantage des aliments de chez nous: ce n'est pas de la simple bouffe. C'est du «Western Food», très prisé dans les villes chinoises, où les Kentucky Fried Chicken et Pizza Hut sont omniprésents. «La classe moyenne devient de plus en plus riche et elle a un engouement pour les produits occidentaux, confirme Nicolas Moisan, conseiller à l'exportation au Groupe export agroalimentaire Québec-Canada, qui a récemment mené une délégation québécoise en Chine. Surtout qu'il y a eu plusieurs scandales concernant les aliments chinois, que de plus en plus de gens ne veulent plus manger. Tout ça nous ouvre beaucoup de portes.»

«J'aime la nourriture étrangère parce qu'elle est moins polluée, a dit à La Presse Qing Fang Zhu, retraitée rencontrée à la foire alimentaire FHC China de Shanghai. Je fais plus ou moins confiance aux aliments chinois.»

Avoir accès à de bons aliments est un droit, réalisent de plus en plus de Chinois. «Le Canada a beaucoup de ressources, souligne Wang Yuzhou, président de Zhejiang Newland Foods co, important exportateur et importateur d'aliments à Hangzhou, ville de 8 millions d'habitants. Les gens en Chine doivent aussi pouvoir en profiter.»