La crise européenne commence à faire sentir ses crocs de ce côté-ci de l'Atlantique et va compliquer la gestion des finances publiques, si elle devait trop s'aggraver.

Mercredi, la Réserve fédérale américaine a souligné que les tensions sur les marchés financiers, une manière polie de parler de la dette publique européenne, faisaient peser des risques sur la croissance déjà projetée comme anémique.

La semaine dernière, la Banque du Canada voyait le Vieux Continent comme le risque le plus important à l'expansion de notre économie.

L'agence de notation canadienne DBRS a publié en même temps son rapport annuel. Elle y met en garde les élus, même si elle n'a pas encore abaissé la qualité du crédit d'aucune province ni placé aucune sous surveillance. «Les très forts vents mauvais auxquels fait face l'économie canadienne - dont la croissance anémique américaine et les inquiétudes suscitées par la dette publique européenne - représentent des défis aux gouvernements canadiens, y lit-on. Le contrôle des dépenses ne suffira sans doute pas à lui seul à rétablir l'équilibre fiscal.»

Les prêteurs partagent sans doute ces préoccupations. Depuis deux semaines maintenant, le financement de la dette des provinces se fait au compte-gouttes sur le marché obligataire, malgré le fait que les obligations canadiennes de référence soient très recherchées en raison de leur grande qualité.

Seuls la Colombie-Britannique, la semaine dernière, et l'Ontario, hier, ont monnayé une partie de leur dette qui a heureusement trouvé preneur à des taux avantageux.

Depuis le début de l'année, les provinces profitent de l'engouement des prêteurs pour les titres canadiens. Leurs taux d'intérêt pour les échéances de 10 et de 30 ans ont faibli de 20 centièmes depuis une semaine, ce qui reflète leur popularité auprès d'investisseurs. Ils sont de plus en plus inquiétés par la conjoncture internationale en général et européenne en particulier.

Le rendement des titres provinciaux est indexé à celui des obligations canadiennes avec une prime. Elle reflète le risque supplémentaire que perçoivent les prêteurs à les détenir.

Grâce à l'engouement pour les titres canadiens, les provinces peuvent emprunter à de faibles taux, plus faibles encore que des pays européens jouissant de la même note de crédit qu'elles, mais encore faut-il qu'elles trouvent preneurs sans consentir des écarts de rendement trop élevés entre leur dette et celle du Canada.

Malgré le bon bilan fiscal présenté par le ministre des Finances Raymond Bachand, la semaine dernière, Québec est absent du marché depuis une quinzaine de jours. Il lui reste encore 2,3 milliards à récolter pour compléter ses besoins d'emprunt de l'année fiscale 2011-2012, 4,2 milliards même, si on inclut ceux de Financement Québec, selon les calculs de Jean-François Godin, vice-président, recherches, chez Valeurs mobilières Desjardins.

Québec a cependant laissé sa vache à lait, Hydro-Québec, lever 500 millions hier. L'obligation de 30 ans porte un taux de 3,81%, soit un écart de 98 centièmes par rapport à la canadienne. «C'est plus faible que les 3,89% consentis lors du dernier emprunt réalisé le 27 septembre, précise M. Godin. La demande était bonne, sans plus.»

La dette de la société d'État, dont les actifs et les perspectives de rentabilité sont solides, est peut-être mieux perçue ces jours-ci que celle de la province. Celle-ci est jugée en fonction des risques que posent son endettement déjà très élevé et le lourd niveau d'imposition de ses contribuables qui restreint l'espace fiscal encore exploitable.

Un affaiblissement de la croissance réelle, limitée à 1,6% dans le dernier scénario économique du ministre Bachand, lui permet de maintenir le cap sur son objectif de déficit zéro en 2014.

C'est toutefois la croissance nominale, ou en dollars courants, qui délimite l'agrandissement de l'assiette fiscale.

Celle-ci est beaucoup tributaire de l'évolution des cours des biens de base - cuivre, fer, nickel, or, etc. - dont Québec tire des redevances de plus en plus en plus significatives.

Malheureusement, le bilan de santé fiscale fait par le ministre des Finances ne tient pas compte de la très forte correction des prix des matières premières depuis ces derniers mois, correction qui va alléger les recettes fiscales.

La crise européenne n'est pas seule responsable de cette déveine, mais elle est certainement à montrer du doigt.