Si la Chine, pays émergent, semble disposée à aider l'Europe en achetant une partie de sa dette, sa population, parcimonieuse et confrontée à une forte inflation, ne comprend pas pourquoi elle devrait secourir des Nations appartenant au club des riches et qui vivent au-dessus de leurs moyens.

Premier détenteur mondial de réserves de change avec plus de 3200 milliards de dollars, la Chine a dit à maintes reprises être prête à soutenir l'euro.

La deuxième économie mondiale a les reins solides et de bonnes raisons de se porter au secours du vieux continent, son principal marché d'exportation avec les États-Unis.

Mais le moment est sans doute mal choisi pour le pays qui enregistre un ralentissement de sa croissance et peine à juguler une inflation coûteuse sur le plan social et qui pénalise les plus modestes avec une forte hausse des produits alimentaires.

Les Chinois ont d'ailleurs promptement exprimé leur hostilité sur les weibos, ces microblogues qui comptent plusieurs centaines de millions d'utilisateurs.

«L'Europe est beaucoup plus riche que la Chine. Comment peut-elle manquer d'argent? C'est une vraie escroquerie», assène un microblogger, Song Hongbing.

«Quand vous consacrerez-vous à aider votre propre population, à nourrir les enfants de la campagne, à donner du travail aux légions d'étudiants diplômés qui sont au chômage, à permettre aux masses modestes de se loger?», demande un autre internaute identifié sous le pseudonyme Post-90s Voice.

En dépit de la croissance colossale ces 30 dernières années, Pékin doit encore extraire de la pauvreté plusieurs centaines de millions de Chinois et réduire le fossé entre riches et pauvres qui se creuse dangereusement.

Selon Michael Pettis, professeur de finance à l'Université de Pékin, l'opposition de l'opinion publique à ces projets constitue une réelle source d'inquiétude pour les autorités, même dans un pays où le Parti communiste règne sans consulter le peuple.

«Les gens vont penser que la Chine sort de l'ornière une bande de riches étrangers. Politiquement, ça n'est jamais bon», estime-t-il.

La zone euro a décidé de démultiplier la puissance de feu du Fonds européen de stabilité financière (FESF), dont la capacité d'intervention passerait à 1.000 milliards d'euros, contre 440 milliards.

Sollicitée par l'Europe, la Chine pourrait acheter des obligations du FESF supplémentaires.

Mais Pékin, qui est déjà un investisseur important dans le Fonds, n'a donné aucun signe clair d'engagement nouveau dans l'attente de «clarifications».

Le pays a connu des revers de fortune avec ses investissements étrangers. Il était notamment entré au capital de la banque d'affaires américaine Morgan Stanley et du fonds d'investissement Blackstone, frappés de plein fouet par la crise financière de 2008.

Les dirigeants chinois «ont été très critiqués dans le pays pour cela et je pense qu'ils veulent éviter de recommencer», note Michael Pettis.

Le Global Times, journal en langue anglaise connu pour ses positions nationalistes, estime que Pékin devrait à tout le moins exiger des concessions en échange de sa contribution, en particulier une plus grande ouverture du marché européen à ses produits et investissements.

«Une Europe développée demande de l'argent à la Chine (...). Nombreux sont ceux qui ne comprennent pas pourquoi la Chine devrait accepter», écrivait vendredi le journal dans un éditorial.

Certains pensent également que les Européens doivent mettre en sourdine leurs critiques à l'égard du yuan, jugé artificiellement sous-évalué pour favoriser les exportations chinoises.

Dans tous les cas, prédit Andy Xie, ancien économiste en chef à Morgan Stanley, la contribution chinoise ne pourra être que symbolique.

«On ne peut pas donner de l'argent dans un cas potentiel de faillite sans avoir son mot à dire sur la restructuration (du bénéficiaire). Or la Chine n'a pas le contrôle de l'Europe», relève-t-il.