Maintenant que les Allemands ont donné leur accord à la deuxième tentative de sauvetage de la Grèce, tout le monde tient pour acquis que le renforcement du Fonds européen de stabilité financière (FESF) ira de l'avant.

Il reste l'accord de la Slovaquie à obtenir, lors d'un vote qui se tient aujourd'hui. Ce n'est pas sans raison que la Slovaquie soit le dernier des 17 pays de la zone monétaire européenne à se prononcer sur l'augmentation des pouvoirs financiers de ce fonds destiné à venir en aide aux pays en difficultés, notamment à la Grèce qui se trouve au bord du gouffre. Le pays est profondément divisé sur la question.

Pour être mis en oeuvre, le plan de sauvetage doit être accepté à l'unanimité des 17 pays de la zone euro. La question a suscité des débats passionnés dans tous les pays sur l'opportunité d'aider encore une fois un pays qui fait preuve d'un aussi grand laxisme économique et fiscal.

Les débats ont été encore plus acrimonieux dans les pays les plus pauvres de l'Europe, comme la Slovaquie et l'Estonie, qui trouvent amère la potion concoctée par les pays les plus riches pour soigner la Grèce.

L'Estonie, par exemple, est le plus pauvre des 17 pays de la zone euro. Ce petit pays de 1,3 million d'habitants a travaillé fort pour être accepté dans la Cour européenne. Il a réussi à respecter et même à dépasser les conditions de l'accord de Maastricht. Le 1er janvier dernier, après de gros sacrifices et un ménage en profondeur dans ses finances, le pays a enfin pu troquer sa monnaie contre l'euro.

Pour ne rien gaspiller, les anciennes couronnes ont été coupées en morceaux et comprimées en fagots qui ont alimenté une centrale de cogénération qui sert au chauffage d'une partie de Tallin, la capitale. Un pays qui a vécu longtemps sous le joug soviétique garde forcément des réflexes de récupération.

Malheureusement, l'Estonie est devenue le 17e membre de la zone euro à un bien mauvais moment. C'est normal que les pays les plus riches viennent en aide à ceux qui sont dans le besoin. Ça l'est moins lorsque ce sont les pauvres qui aident plus riches qu'eux.

Le revenu médian des Estoniens est de 38% inférieur à la moyenne de la zone euro. Le taux de chômage dépasse 15%. Leur niveau de vie est passablement inférieur à celui des Grecs, des Portugais ou des Espagnols, les pays qui sont susceptibles de bénéficier de l'aide du FESF.

Au plus fort du débat au parlement estonien, l'opposition a dit tout haut ce que plusieurs ont pensé tout bas un peu partout en Europe. «Les Grecs dépenseront l'aide européenne en ouzo, pour danser ensuite le sirtaki», ont protesté des membres de l'opposition, sceptique quant aux résultats de l'opération sauvetage.

L'Estonie, qui a fini par voter en faveur du plan, doit garantir près de 2 milliards d'euros du Fonds européen de 440 milliards.

La garantie attendue de la Slovaquie s'élève à 7,7 milliards. C'est beaucoup pour un pays qui est peut-être plus riche que l'Estonie, mais pas de beaucoup. Les Slovaques se sont eux aussi serré la ceinture pour devenir membres de la zone euro en 2009, et l'opinion publique est majoritairement opposée à une augmentation de la contribution de leur pays.

Au Parlement, les élus sont divisés et le parti sociodémocrate au pouvoir pourrait devoir faire des concessions importantes pour obtenir un vote favorable. La Slovaquie a déjà refusé d'aider la Grèce en 2010. Cette fois, ce petit pays de 5,4 millions d'habitants pourrait en théorie faire dérailler le train européen. Personne n'ose envisager cette possibilité.

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Quand les pauvres aident les riches

Allemagne: 119

Grèce: 89

Slovaquie: 74

Estonie: 65

Moyenne des 17 pays de la zone euro: 108

*PIB par habitant en parité du pouvoir d'achat, 2010