Avant de quitter son poste, l'ancien premier ministre du Japon, Naoto Kan, avait clairement signifié son intention de sortir le pays du nucléaire, ce qui a eu pour effet de faire grimper le niveau d'inquiétude de la communauté d'affaires.

Celui qui lui a succédé à la tête du parti au pouvoir (Parti démocratique du Japon, centre-gauche), et qui est devenu par conséquent le nouveau premier ministre, semblait partager la même vision. Il voulait fermer les réacteurs arrivés à la fin de leur vie et ne pas en construire d'autres. «Comme il est impossible d'éliminer la dépendance à l'énergie nucléaire immédiatement, je veux prendre des mesures pour procéder graduellement», a-t-il déclaré aux médias japonais lors de sa nomination.

Mais après seulement deux semaines dans ses nouvelles fonctions, Yoshihiko Noda a commencé à faire du rétropédalage. Il ne parle plus d'éliminer le nucléaire, mais plutôt de réduire la dépendance du pays à cette forme d'énergie.

Il a affirmé, par exemple, qu'il était impossible de construire de nouveaux réacteurs «dans les conditions actuelles», ce qui a été interprété comme un changement de position. Le nouveau premier ministre a aussi dit au Wall Street Journal qu'il était absolument impossible de se débarrasser du nucléaire à court terme et qu'il faudrait du temps pour y parvenir.

En attendant, il souhaite la remise en marche des réacteurs stoppés pour inspection après le tremblement de terre et l'accident survenu à la centrale de Fukushima, afin d'assurer un approvisionnement suffisant en électricité.

«Nous ne devons pas faire en sorte que les entreprises transfèrent leurs usines ailleurs parce qu'elles sont inquiètes pour leur approvisionnement et pour leur facture d'électricité.»

C'est un peu normal que celui qui vient de prendre les commandes du pays soit un peu moins catégorique que celui qui quitte le poste de premier ministre. Il s'agit après tout d'une question controversée et d'un enjeu majeur pour l'avenir.

Même avec la meilleure des volontés, il faudra du temps pour remplacer une source d'énergie qui compte pour 30% du bilan total. Dans l'intervalle, il est important de rassurer tout le monde et de s'assurer que l'économie pourra continuer de tourner aussi normalement que possible.

Mais pour les opposants au nucléaire, qui ont disséqué les propos de M. Noda, il ne fait aucun doute que le nouveau gouvernement vient de faire un virage à 180 degrés et qu'il n'a pas du tout l'intention de se débarrasser de cette source d'énergie.

Ils ont des raisons d'être sceptiques. Le gouvernement japonais a toujours été très pronucléaire. Cette industrie pèse lourd dans l'économie du pays, et son expertise est exportée ailleurs dans le monde. Avant de penser à sortir du nucléaire, le Japon projetait de construire 14 nouveaux réacteurs pour subvenir à ses besoins à l'horizon 2030. Le gouvernement pourrait bien succomber à la pression de l'industrie et revenir sur sa décision.

La volte-face des politiciens à la suite du désastre de Fukushima est jugée peu crédible. Les opposants poursuivent le combat. Ils étaient encore plusieurs dizaines de milliers dans les rues de Tokyo le 19 septembre dernier pour tenter d'infléchir la politique gouvernementale. Avec des appuis qui proviennent du monde entier, la voix des antinucléaires est plus forte que jamais.

Les politiciens japonais sont difficiles à suivre. Même le premier ministre peut dire une chose et son contraire en même temps. Les élus ne peuvent toutefois pas ignorer cette part croissante de l'électorat qui souhaite que le pays se débarrasse de l'énergie nucléaire.

Développer les énergies renouvelables comme l'éolien, la géothermie et le solaire prendra du temps. Ça coûtera cher. Mais le Japon a déjà prouvé sa capacité à innover. On parle d'un pays qui n'a jamais eu ni gaz ni pétrole, et qui a quand même réussi à bâtir un empire économique en quelques décennies.

Il est certainement capable de se débarrasser de l'atome, et même de devenir un leader dans les énergies renouvelables, si la volonté politique y est.