La crise économique mondiale sera sans influence sur le choix du lauréat du prix Nobel d'Économie 2011, mais les recherches aujourd'hui en cours pour sortir des turbulences pourraient être récompensées dans les années à venir, selon les experts.

Tandis que la spirale dans laquelle s'engluent l'Europe et les États-Unis «pourrait tout à fait pousser la réflexion économique dans une nouvelle direction», le comité Nobel annoncera le 10 octobre un lauréat dont les travaux n'y sont pas liés, selon le doctorant en Économie à l'Université d'Uppsala (nord de Stockholm) Jonas Kolsrud.

«Il semble qu'il s'écoule un minimum de 30 ans entre une découverte et sa reconnaissance par un prix», a-t-il expliqué à l'AFP.

Les cinq membres du comité qui désigneront le Nobel d'Économie soulignent eux-mêmes que leur choix n'est jamais fondé sur des travaux aussi récents.

«Le prix est absolument apolitique, en dehors des modes et simplement fondé sur des contributions à la recherche», a affirmé le nouveau président du comité, Per Krusell.

«Nous effectuons une évaluation très poussée qui peut durer des années, alors il y a en général un long délai entre le moment où les recherches sont effectuées et où le prix est décerné», a-t-il ajouté.

Son prédécesseur Bertil Holmlund était sur la même longueur d'onde lorsqu'il affirmait en 2008 que la crise d'alors n'influencerait pas le choix du lauréat.

Et le fait que celui-ci, Paul Krugman, eut été particulièrement connu pour avoir annoncé la crise et avoir vertement critiqué les politiques trop libérales n'est qu'une «coïncidence», selon M. Krusell.

Il a dit à l'AFP comprendre que le prix décerné à M. Krugman, professeur à l'Université de Princeton (États-Unis) et éditorialiste au New York Times, «avait pu être interprété comme une prise de position».

Mais il se trouve que M. Krugman a été choisi pour ses théories du marché élaborées dans les années 1970 et pas du tout pour ses déclarations politiques des années 2000, selon M. Krusell.

Responsable à la section Économie du musée Nobel à Stockholm, Olof Somell convient également que pour le public, Krugman est «l'homme qui a prédit la crise avant de recevoir le prix».

Mais lui aussi parle de «coïncidence» car «si vous regardez la véritable citation (du comité Nobel), il a reçu le prix pour ses travaux sur le commerce international».

Reste qu'il est extrêmement difficile de deviner les raisonnements du comité d'autant, rappelle-t-il, que les délibérations sont gardées secrètes durant 50 ans et que le premier Nobel d'Économie ne date que de 1969, lorsqu'il a été ajouté aux cinq figurant dans le testament de l'industriel suédois Alfred Nobel.

Si le comité choisissait néanmoins de récompenser des travaux liés à la dette, le professeur d'Économie Laurent Simula, de l'Université d'Uppsala, estime que les Américains Kenneth Rogoff et Carmen Reinhart, dont le récent livre «Cette fois c'est différent» compare les crises économiques et financières sur huit siècles, seraient de bons candidats.

Mais il considère également que les jeux ne se feront pas cette année sur les questions de la dette et préfère parier sur le domaine de l'économie politique, spécialité de plusieurs membres du comité.

«Le professeur (italien, ndlr) de Harvard Alberto Alesina est régulièrement cité dans ce domaine», a souligné M. Simula.

De son côté, M. Kolsrud voit bien le Nobel 2011 récompenser des travaux sur la croissance économique où se sont notamment illustrés Robert Barro et Paul Romer, ou encore des travaux sur la théorie de la consommation avec Robert Hall, Lars Peter Hansen et Christopher Sims.