L'Allemagne et la Grande-Bretagne viennent de conclure tour à tour avec la Suisse une entente inusitée qui vise à résoudre leurs contentieux en matière d'évasion fiscale.

L'initiative est considérée comme une reddition par les organisations internationales militant contre les paradis fiscaux. Elle ne trouve pas grâce non plus aux yeux des autorités canadiennes, qui promettent de continuer leur traque des contribuables utilisant le pays helvète pour échapper au fisc.

L'entente en question prévoit que la Suisse se chargera elle-même de prélever, dans les comptes suisses détenus par des ressortissants anglais et allemands, les sommes théoriquement dues à leur pays d'origine pour des gains en capitaux. Et ce, sans les identifier.

Berne doit aussi effectuer, toujours au bénéfice de Londres et Berlin, un prélèvement unique représentant entre 18 et 34% des sommes présentes sur les comptes de ressortissants anglais et allemands de manière à les «régulariser». Cette mesure s'applique uniquement aux personnes qui demandent de conserver l'anonymat plutôt que de déclarer eux-mêmes les sommes détenues à leur pays d'origine.

Le ministre des Finances anglais, Georges Osborne, assure que l'entente en question constitue une preuve de plus de la détermination de son pays à lutter contre les paradis fiscaux.

«L'époque où il était possible de dissimuler les profits de l'évasion fiscale en Suisse est terminée», a-t-il déclaré récemment en relevant que Londres recevra des milliards par année de Berne.

John Christensen, qui dirige le Tax Justice Network, pense que l'entente envoie un «très mauvais message en matière de justice» en permettant à certains citoyens privilégiés de se soustraire à la pleine application des lois fiscales de leur pays.

Il s'agit, selon lui, d'un effort «délibéré» de la Suisse pour faire échouer les négociations visant à implanter, à l'échelle européenne, un système d'échange automatique d'informations qui obligerait les pays membres à identifier sans exception les détenteurs de comptes étrangers sur leur territoire.

L'association Christian Aid affirme que la nouvelle entente est assimilable à une forme de «connivence avec la criminalité» puisqu'elle signifie que les autorités fiscales allemandes et anglaises renoncent à connaître l'identité des ressortissants concernés.

Les autorités suisses assurent qu'elles ne cherchent d'aucune manière à torpiller la lutte internationale contre la criminalité et l'évasion fiscale.

Mario Tuor, porte-parole du secrétariat d'État suisse aux questions financières internationales, note qu'il s'agit d'une manière «très efficace» de régler les litiges de nature fiscale avec d'autres pays sans compromettre le secret bancaire défendu de longue date par les milieux financiers helvètes.

«Plusieurs autres pays ont manifesté leur intérêt pour des informations plus détaillées (sur l'entente en question) et d'éventuelles négociations», a déclaré le porte-parole, qui refuse, mis à part pour la Grèce, de les identifier nommément.

Selon M. Christensen, il pourrait s'agir de l'Italie et de la France, où la classe politique s'oppose officiellement pour l'heure à l'adoption d'une telle approche.

Le Canada, qui a maille à partir avec des institutions bancaires suisses relativement à divers dossiers d'évasion fiscale, n'a pas l'intention d'emboîter le pas à l'Allemagne et à la Grande-Bretagne.

«La politique du Canada en matière d'évasion fiscale internationale consiste à obtenir des renseignements afin d'appliquer intégralement ses lois fiscales et ne comporte pas l'acceptation de paiements comme moyen alternatif permettant ainsi aux contribuables de se conformer pleinement aux lois fiscales canadiennes», a indiqué à La Presse un représentant du ministère des Finances.

Le pays mise plutôt sur une nouvelle convention d'échange d'informations qui avait été signée avec la Suisse à l'automne 2010 et qui est censée faciliter le travail des autorités fiscales.