Le vieillissement de la population force le Japon à trouver des solutions innovatrices pour garder sa population âgée en santé et contrer la pénurie de main-d'oeuvre. Cette adaptation passe aussi par une réforme du régime de pension et du système de santé, tous deux en crise. Comme ces réformes tardent à être mises en place, la jeune génération risque d'en payer le prix.

Kanae et Tetsu ont étudié en Belgique, Aya a vécu en Australie et aux États-Unis. Les trois sont de retour au Japon où ils viennent de décrocher leur premier emploi.

Ce n'est pas si facile que ça de trouver un emploi à Tokyo, raconte Aya Higashitani, 22 ans, qui a envoyé son CV à 70 entreprises. «Il n'y a pas tant de travail parce que les gens ne quittent pas leur emploi», explique-t-elle.

Aya travaille maintenant pour une entreprise de gestion hôtelière, située dans le quartier central de Roppongi. Kanae, 23 ans, a trouvé un emploi (très payant, tient-elle à préciser), dans une firme de logiciels.

Quant à Tetsu, le seul garçon du groupe, il est encore à l'université, mais il a un emploi qui l'attend à la fin de ses études, en avril prochain. Son futur employeur vend de l'équipement médical. Il étudie en phonétique, une spécialité qui n'a rien à voir avec son futur emploi. C'est souvent comme ça au Japon, explique-t-il.

Le trio, attablé un jeudi soir devant un curry végétarien, à l'abri de l'agitation frénétique de Shibuya, est parfaitement au fait des difficultés actuelles du pays. Ces jeunes savent très bien qu'ils devront supporter financièrement le poids de plus en plus lourd des retraités.

Mais ils n'y pensent pas trop, pour le moment. Ils ont plus la tête aux voyages, au magasinage et aux autres plaisirs qui nous attendent quand on a 20 ans.

Ce qui les attend aussi, très bientôt, c'est une hausse des taxes et des impôts et une baisse de leur niveau de vie. Probablement assortie, en plus, d'une réduction de leurs rentes de retraite futures. Le gouvernement japonais devra dépenser plus de 300 milliards de dollars (25 000 milliards de yens) pour financer la reconstruction de la zone sinistrée par le tremblement de terre et le tsunami. C'est l'équivalent de 5% du Produit intérieur brut du pays.

Avant la catastrophe, les revenus provenant des taxes et impôts étaient déjà insuffisants pour couvrir les dépenses et l'État s'endettait chaque jour davantage.

Le gouvernement ne peut pas faire autrement qu'alourdir encore cette dette, explique Atsushi Seike, un universitaire de renom qui est président de l'Université Keio et membre du comité d'intellectuels formé par le gouvernement pour le conseiller sur la reconstruction.

Derrière les murs de la vénérable université de Tokyo, cet économiste a déjà fait tous les calculs possibles et imaginables. Dans son esprit, il ne fait aucun doute que le réservoir important d'épargne des particuliers et des entreprises suffiront à financer ces travaux d'Hercule qui devraient durer au moins dix ans.

Mais comme le taux d'épargne est à la baisse et que la population diminue, il faut que le gouvernement indique de quelle façon il a l'intention de rembourser cette dette qui continue d'augmenter. «Il faut absolument maintenir la crédibilité des titres de dette du Japon», dit Atsushi Seike.

Le gouvernement peut agir un peu du côté des dépenses, mais il ne pourra pas éviter d'augmenter les taxes et impôts des particuliers et des entreprises, assure le spécialiste.

La taxe de vente devra au moins doubler, estime-t-il. Alors que le gouvernement hésite à faire passer cette taxe de 5 à 10%, certains comme lui, croient qu'elle devrait plutôt être augmentée à 17%.

Quels que soient les moyens que prendra le gouvernement, les plus jeunes doivent s'attendre à payer plus. «Le fardeau total de la jeune génération va exploser, parce qu'il sera réparti sur de moins en moins de travailleurs», précise M. Seike.

Plus instruits que leurs parents, ayant déjà voyagé et appris d'autres langues, les jeunes Japonais fuiront-ils vers des cieux fiscalement plus cléments ? Le professeur croit que non. Le niveau de taxation reste inférieur à celui des autres pays riches, souligne-t-il.

«La Suède impose des taxes très élevées à ses citoyens, mais tout le monde n'est pas parti pour autant. Peut-être que Bjon Borg est parti, mais les autres sont encore là. Ce ne sera pas différent ici. Après tout, le Japon est un pays très agréable pour y vivre, surtout quand on est Japonais.»

Autour de la table du resto de Shibuya, le ton des convives s'assombrit lorsqu'il est question de la possibilité de quitter définitivement le Japon. «Je vois mal comment on pourrait s'en aller au moment où le pays aura le plus besoin de nous», finit par dire Aya. Les autres approuvent.

Japonais un jour...