Le président de l'UE a minimisé mercredi la portée de la «règle d'or» budgétaire que Paris et Berlin veulent imposer à la zone euro, au moment même où la France en vantait les mérites, dans un nouveau signe de cacophonie européenne sur la crise de la dette.

Alors que le président français Nicolas Sarkozy et la chancelière allemande Angela Merkel en ont fait, lors de leur sommet du 16 août à Paris, une de leurs propositions phares pour aider la zone euro à sortir de l'interminable crise de la dette, Herman Van Rompuy a jugé qu'une telle mesure était un simple plus dans la chasse aux déficits, et que les gouvernements n'en «ont pas besoin».

«Cela peut aider, mais le plus important c'est qu'on le fasse», a affirmé le président de l'Union européenne au sujet du désendettement des États, sur la chaîne de télévision française LCI.

«En fait, les gouvernements n'ont pas besoin de cette règle, ils peuvent le faire sans une disposition constitutionnelle», a-t-il ajouté.

L'Allemagne a déjà inscrit en 2009 une telle mesure dans sa Loi fondamentale.

Le gouvernement français est bien en peine, quant à lui, de faire adopter son propre projet de «règle d'or» par son Parlement. Il lui faut en effet une majorité des 3/5e qu'il ne peut réunir sans le feu vert d'une partie au moins de l'opposition de gauche qui, à huit mois de la présidentielle, dénonce une opération politicienne et électoraliste.

«Tout le monde sera gagnant» en cas d'adoption d'une telle mesure, a plaidé mercredi, une nouvelle fois, le chef de l'État français devant les ambassadeurs de son pays réunis à Paris.

«Il ne s'agit pas de la victoire de l'un sur l'autre, il s'agit d'une décision européenne mûrement réfléchie», a-t-il ajouté.

Le président français a cité en exemple «les autres démocraties européennes», dont l'Allemagne mais aussi l'Espagne, qui est en train d'adopter sa «règle d'or» au pas de course, à l'initiative du chef du gouvernement socialiste José Luis Rodriguez Zapatero, mais avec la bénédiction de l'opposition de droite.

L'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), le club des pays les plus riches de la planète, a d'ailleurs salué mercredi la projet espagnol, qui devrait être adopté d'ici une dizaine de jours. La Commission européenne avait elle-même estimé la veille qu'il s'agissait d'une «démarche positive» susceptible de «renforcer la confiance» dans la zone euro.

Mais il avait lui aussi rappelé que «le principe même de budgets en équilibre» était déjà «une pierre angulaire du Pacte de stabilité et de croissance» européen qui limite les déficits publics des États. Les traités européens sont théoriquement des normes législatives supérieures même aux Constitutions des Etats.

Si l'Espagne a été le premier pays de la zone euro à répondre à l'appel lancé par Paris et Berlin le 16 août, certains autres pays membres, comme le Portugal, ont déjà émis des réserves sur le bien-fondé d'une telle mesure.

Fondamentalement, plusieurs pays européens n'ont guère aimé que Paris et Berlin donnent l'impression de vouloir imposer leurs solutions aux autres lors de leur mini-sommet d'août, soulignent en privé des diplomates.

«L'Europe ne prend plus de décisions qu'après une rencontre franco-allemande! C'est très compliqué à vivre», a ainsi critiqué le ministre belge des Affaires européennes, Olivier Chastel, dans une interview publiée mercredi.

Le couac sur la règle d'or vient s'ajouter à une série de différends ces derniers mois en Europe sur les meilleurs moyens de régler la crise, à commencer par le débat autour des euro-obligations, que souhaitent plusieurs pays mais que refuse l'Allemagne notamment.