L'agence Standard and Poor's s'est voulue rassurante dimanche sur la pérennité de la notation «triple A» de la France, avis partagé par les économistes qui redoutent cependant plus que jamais un emballement incontrôlable de la crise des dettes souveraines.

«La note de la France est dans une perspective stable chez Standard and Poor's et je ne ferai aucune autre spéculation là-dessus», a déclaré Jean-Michel Six, économiste en chef pour l'Europe de l'agence de notation américaine, interrogé sur France Info.

Des propos apaisants après le coup de tonnerre provoqué vendredi par cette même agence qui n'a pas hésité, pour la première fois depuis sa création en 1941, à dégrader la note américaine.

Ravalée d'un cran, la note des États-Unis a été ramenée de «AAA», la meilleure note possible, accordée aux émetteurs d'obligations offrant une assurance «extrêmement forte» de remplir leurs engagements financiers, à AA+, synonyme de garanties «très fortes».

Près de quatre mois plus tôt, Standard and Poor's avait déjà adressé un premier coup de semonce à la première économie mondiale, abaissant sa perspective de «stable» à «négative».

Une perspective stable signifie qu'une agence n'a pas l'intention à court terme, de faire évoluer la note à la hausse ou à la baisse. Ce serait donc toujours la situation de la France, selon Standard and Poor's.

Le gouvernement français répète sur tous les tons que ses objectifs de réduction des déficits publics sont «intangibles». De 5,7% du PIB cette année, ils doivent être ramenés à 4,6% l'an prochain, et 3% en 2013.

Il en va de la crédibilité des émissions de dette française. La France est «le plus fragile des AAA européens», a récemment confessé une source proche du gouvernement.

«Tant que la France respecte cette trajectoire et qu'il n'y a pas d'emballement ou de situation incontrôlée, il n'y a pas de raison de remettre en cause sa note», assure l'économiste Élie Cohen qui salue l'attitude «remarquablement responsable» des dirigeants socialistes, François Hollande ou Martine Aubry, ralliés à l'objectif de 3% en 2013.

Pour autant, relève-t-il, «la dette française commence à être attaquée» avec un écart de taux d'intérêts qui se creuse avec l'Allemagne et «n'est pas retombé depuis la fausse solution du 21 juillet», quand la zone euro a adopté sans convaincre un nouveau plan de sauvetage de l'économie grecque.

«Demain, si l'affaire italienne est mal gérée, la France peut être atteinte à son tour», avertit M. Cohen.

Autre facteur de risque: le débat sur la «règle d'or» qui inscrirait dans la Constitution l'objectif d'un retour à l'équilibre budgétaire.

Voulue par Nicolas Sarkozy, cette démarche est dénoncée comme une opération de communication par le PS. «Si tous les pays européens venaient à l'adopter, la pression serait plus forte sur la France», souligne Élie Cohen.

Pourfendeur des agences de notation dont il conteste la «légitimité» à traiter des États, son confrère Jean-Hervé Lorenzi ne doute pas davantage de la capacité de la France à conserver son «triple A».

«Qui est légitime pour dire que M. Sarkozy ou Mme Aubry sont des menteurs quand ils s'engagent à ramener le déficit en dessous de 3%», s'interroge-t-il.

Sa crainte serait de voir les trois grandes agences de notation, Standard and Poor's, Moody's et Fitch s'engager dans une course à la «provocation».

«L'opération de notoriété est réussie pour Standard and Poor's et les deux autres agences qui vont vouloir exister risquent d'aller chercher de nouveaux terrains de chasse en Europe», redoute-t-il.