Le schéma proposé il y a une semaine par les créanciers privés français pour alléger le fardeau de la dette de la Grèce, qui avait recueilli une large adhésion en Europe, s'est vu infliger un sérieux camouflet lundi par l'agence de notation Standard & Poor's.

Les analystes de l'agence ont fait savoir que les scénarios envisagés «conduiraient probablement à un défaut de paiement selon (leurs) critères», ce que les Européens tentent précisément d'éviter à tout prix. Ils redoutent notamment, à l'instar de la Banque centrale européenne (BCE), un «scénario de l'horreur» dans lequel la contagion d'une restructuration grecque gagnerait d'autres pays fragiles de la zone euro comme le Portugal voire l'Espagne.

Un plan proposé par la Fédération bancaire française (FBF) offre de réinvestir 70% des sommes remboursées par la Grèce au titre des obligations arrivant à échéance. Sur ces 70%, la moitié serait placée dans de nouveaux titres grecs à 30 ans, les 20% restants étant conservés à titre de garantie dans un fonds spécial.

Une deuxième option engagerait les créanciers privés à réinvestir 90% des montants remboursés par l'État grec dans de nouvelles obligations à 5 ans.

Standard & Poor's prévient que si l'une de ces deux options devait être retenue, l'agence de notation déciderait d'abaisser la note de la Grèce pour la placer dans la catégorie «défaut sélectif», considérant de fait que le pays a «effectivement restructuré une partie, mais non la totalité, de sa dette obligataire».

«C'est un contrecoup après deux ou trois jours de soulagement», a estimé Cyril Regnat, stratégiste obligataire chez Natixis.

Car la proposition française était précisément calibrée pour que ne lui soit pas accolé le terme de défaut. Le président de la BCE Jean-Claude Trichet a indiqué à plusieurs reprises qu'un défaut obligerait l'institution à ne plus accepter d'obligations de l'État grec comme contrepartie pour ses opérations de refinancement.

Compte tenu de l'extrême dépendance actuelle des banques grecques à ce mode de financement, elles pourraient, dans cette hypothèse, se retrouver à court de liquidité en l'espace de quelques heures.

Interrogé lundi par l'AFP, un porte-parole de la BCE a indiqué que l'institut francfortois n'avait pas changé sa position sur le sujet.

La note de S&P «montre que le modèle doit encore être retravaillé», a commenté une source bancaire allemande, sous couvert d'anonymat.

Interrogées par l'AFP, les deux autres agences majeures, Fitch et Moody's, n'ont pas souhaité commenter la proposition française.

Dans les notes de méthodologie publiées ces dernières semaines, ces deux agences avaient laissé entendre que leur définition d'une participation volontaire des créanciers privés était extrêmement étroite.

Pour Fitch et Moody's, le seul fait que l'opération soit montée pour éviter la faillite de la Grèce pourrait justifier, à lui seul, le qualificatif de défaut.

De son côté, la Fédération bancaire française (FBF), à l'origine du scénario étudié par les Européens, s'est également refusée à tout commentaire.

«Cela devient problématique, car tous les efforts des créanciers privés et des autorités européennes sont annulés par les agences de notation», a regretté M. Regnat, soulignant que S&P «ne base pas ses conclusions sur des faits réels» car le scénario n'est pas encore finalisé.

Les deux mois de répit offerts par le déblocage ce week-end de la cinquième tranche du plan d'aide à la Grèce devront dès lors être mis à profit pour trouver un terrain d'entente avec les agences, avant que ne se pose, dès le mois de septembre, la question de la sixième tranche.