Le gouverneur de la Banque centrale afghane s'est réfugié aux États-Unis en se disant menacé à la suite du scandale de détournements massifs dans une banque détenue en partie par des proches du pouvoir, lequel l'accuse d'avoir voulu fuir d'éventuelles poursuites.

Cette affaire jette une nouvelle ombre sur la probité du gouvernement du président Hamid Karzaï et souligne la fragilité de l'État afghan au moment où les Occidentaux, emmenés par les États-Unis, s'apprêtent à entamer leur retrait du pays, dix ans après avoir chassé les talibans du pouvoir.

Le gouverneur de la banque centrale afghane Abdul Qadir Fitrat a annoncé à la presse sa démission «immédiate» lundi à Washington.

M. Fitrat, qui disposerait d'un permis de résidence permanent aux États-Unis selon certaines sources, a dénoncé des «interférences répétées de la part de hautes autorités politiques» dans les affaires de la banque centrale.

«Ma vie était vraiment en danger, notamment depuis que j'ai parlé au Parlement et donné le nom de certaines personnes qui sont responsables de la crise de la Kabul Bank», a-t-il également déclaré, cité par la BBC.

La Kabul Bank, première banque privée du pays, a été placée sous le contrôle de la Banque centrale fin 2010 alors qu'elle se trouvait au bord de la faillite, ses dirigeants étant soupçonnés de détournements de fonds massifs, de l'ordre de 900 millions de dollars selon des sources proches du dossier.

Parmi ses propriétaires figurent un frère du président Karzaï, Mahmood Karzaï, et un frère du vice-président Mohammad Qasim Fahim.

La présidence afghane a de son côté accusé le gouverneur d'avoir fui.

«Il s'agit d'une fuite, non d'une démission», a déclaré mardi à l'AFP le porte-parole de M. Karzaï, Waheed Omer. «Il n'est plus un gouverneur, mais un gouverneur en fuite», a sèchement ajouté M. Omer, en jugeant «infondées» ses déclarations mentionnant des menaces. «Il n'a jamais dit à personne au gouvernement que sa vie était en danger», a ajouté le porte-parole.

Un autre porte-parole de la présidence, Siamak Herawi, a lui déclaré que M. Fitrat était lui-même mis en cause dans l'affaire de la Kabul Bank, et qu'il a ainsi voulu échapper à d'éventuelles poursuites. «Nous pensons que cela a peut-être été la raison de sa fuite», a-t-il ajouté.

L'affaire de la Kabul Bank a jeté une lumière crue sur le chaos et la corruption du système financier national, alors que les troupes américaines s'apprêtent à quitter progressivement ce pays, dix ans après l'éviction des talibans, dont l'insurrection s'intensifie ces dernières années.

Le Fonds monétaire international (FMI) a prévenu que l'attribution d'un programme d'assistance financière à l'Afghanistan était conditionnée à un accord avec Kaboul pour résoudre cette crise.

M. Omer a minimisé le départ de M. Fitrat en estimant qu'il n'aurait «pas un impact majeur» sur la capacité du pays à résoudre la crise de la Kabul Bank.

Le FMI comme les États-Unis, premier bailleur de fonds de l'Afghanistan, ont eux aussi pris acte de ce départ et indiqué qu'ils continueraient à appeler Kaboul à réformer son système financier, quelle que soit l'identité du gouverneur de la banque centrale.

«Cela va miner encore davantage la réputation du gouvernement aux yeux des donateurs internationaux», a de son côté souligné Gran Hewad, de l'Afghanistan Analysts Network (AAN), un centre de recherche international basé à Kaboul.

Selon certains responsables occidentaux à Kaboul, l'Afghanistan pourrait se trouver à court de liquidités dès le début du mois prochain en raison de ce scandale. Mais au final, note Sayed Massoud, professeur d'économie à l'université de Kaboul, «c'est le peuple afghan qui en souffrira le plus».