Les tensions qui agitent l'Eurogroupe sur la façon d'éviter une deuxième fois à la Grèce de faire défaut sur sa dette en autant d'années augmentent les coûts d'emprunt de l'Italie, de l'Espagne et du Portugal, à la recherche de prêteurs aujourd'hui et demain sur les marchés obligataires.

Ces divisions nourrissent l'inquiétude des créanciers, à qui l'instabilité politique grandissante des trois pays emprunteurs crée déjà bien du souci.

Selon l'agence Bloomberg, l'écart de rendement exigé par les investisseurs pour détenir une obligation italienne plutôt qu'allemande de 10 ans a atteint 187 centièmes hier, un sommet en six mois, alors que le premier ministre Silvio Berlusconi vient de perdre un référendum sur son immunité. Cette prime de risque atteint 258 centièmes pour une obligation espagnole, un sommet depuis le 10 juillet, et pas moins de 749 points pour un titre portugais, la cime depuis l'adoption de l'euro par le pays lusophone, en 1999. Les gouvernements ibériens sont tous deux fragilisés par des programmes d'austérité impopulaires.

La classe politique européenne et la Banque centrale européenne (BCE) sont d'accord sur le diagnostic: la Grèce ne parviendra pas à se financer sur les marchés l'an prochain, comme il avait été prévu en mai 2010. Un premier plan de sauvetage de 110 milliards d'euros (environ 154 milliards CAN) avait alors été élaboré par l'Union européenne, la BCE et le Fonds monétaire international (FMI).

De ce plan, il reste une tranche de 30 milliards à verser, somme jugée désormais insuffisante. Voilà pourquoi on planche sur un nouveau plan de 45 milliards jusqu'en 2014, assortis de conditions qui déchirent les parties et créent du remous chez les Hellènes.

L'Allemagne, aux prises avec un mécontentement grandissant des électeurs à l'idée de garantir la dette d'un pays qui n'arrive pas à se discipliner, propose que les banques privées détentrices de titres grecs acceptent d'en repousser l'échéance de sept ans.

La BCE rejette catégoriquement cette option, car elle équivaut à une restructuration de la dette, susceptible de faire tache d'huile. Il faut dire que la BCE détient 40 milliards d'obligations grecques, achetées ou prises en pension pour assurer la fluidité du crédit des banques européennes et grecques en particulier.

Les ministres des Finances des 17 pays de la zone euro se réuniront le 20 juin en vue de la préparation du sommet des premiers ministres, trois jours plus tard.

Dans le but de rapprocher les parties, Jean-Claude Juncker, à la fois premier ministre, ministre des Finances du Luxembourg depuis 1995 et familier des arcanes de la politique européenne, préconise une forme de participation volontaire des prêteurs privés au sauvetage du pays du bouzouki.

Pour que les agences de notation de crédit ne considèrent pas la chose comme une forme de restructuration, il faudrait par exemple qu'un rééchelonnement soit accompagné d'un rendement plus élevé ou que le volontariat soit significatif.

Les titres grecs qui arrivent à échéance pourraient aussi être automatiquement rachetés par les détenteurs, ce que la BCE refuse de faire pour sa part.

Selon Joe Kogan, analyste financier chez Scotia Capitaux, la Jamaïque est parvenue l'an dernier à restructurer sa dette, sans que les prêteurs ne perdent une partie du remboursement de leurs capitaux. L'île antillaise, dont la dette excède 100% de la taille de son économie comme la Grèce, a convaincu ses créanciers d'accepter un rendement moindre. «Les obligations internationales jamaïcaines se négocient à des taux faibles de 6% à 8%, sans doute à cause à la fois d'une aide du FMI et d'un taux de détention élevé de ces titres par les institutions financières jamaïcaines», explique-t-il. La carte nationaliste aura été bien jouée par l'État.

Malgré l'aide du FMI, la dette grecque est cependant détenue en grande partie par des prêteurs étrangers, ce qui amène les intervenants sur les marchés à accorder une probabilité de 74% au défaut du pays.