La Banque centrale européenne (BCE) a laissé jeudi son taux directeur inchangé à 1,25%, comme s'y attendaient les économistes, plus préoccupés du conflit qui oppose l'institut d'émission à Berlin sur la crise de la dette grecque que de la politique monétaire.

Le président de la BCE Jean-Claude Trichet pourrait employer la conférence de presse qui suit la décision sur les taux pour répondre aux exigences sur ce dossier, détaillées cette semaine par Wolfgang Schäuble.

Le ministre allemand des Finances réclame un rééchelonnement des remboursements de la dette grecque détenue par les investisseurs privés, dans le cadre du nouveau plan de sauvetage de la Grèce en négociation.

Une éventualité à laquelle l'institution monétaire de Francfort se refuse par crainte qu'elle ne soit interprétée par les marchés comme «un défaut» d'Athènes et que la panique ne les gagne concernant d'autres pays en difficulté de la zone euro.

La BCE, comme la Commission européenne et Paris, privilégie le «rollover», renouvellement volontaire des prêts à Athènes quand ils arriveront à échéance, à l'instar de ce qui avait été consenti à certains pays de l'Est en 2009 («initiative de Vienne»).

«M. Trichet devrait rester intransigeant concernant une restructuration (de la dette grecque), un rééchelonnement ou même un rollover qui irait au-delà de l'initiative de Vienne», creusant ainsi «le fossé» qui sépare la BCE des positions allemandes, estiment Christoph Rieger et Alexander Aldinger de Commerzbank.

Holger Schmieding, chef économiste chez Berenberg Bank, s'inquiète du conflit ouvert entre la BCE et l'Allemagne, le jugeant «extrêmement dangereux (de la part) de deux grands décisionnaires de la zone euro».

«Si on s'y prend mal, la crise pourrait s'intensifier», juge-t-il, estimant qu'au final les positions de la France et de l'Allemagne vont se rapprocher, «comme d'habitude».

«Si M. Trichet est prudent, il ne dira rien sur la crise de la Grèce allant au-delà de ce qu'il a dit récemment», à savoir que la BCE serait ouverte à un «rollover», écrit-il.

La BCE détient elle-même des milliards d'euros d'obligations publiques grecques, soit directement soit au travers des garanties fournies par les banques en échange de ses prêts. Cela explique peut-être, selon certains observateurs, sa crainte de les voir perdre de leur valeur.

Mais, rappellent les économistes, au final ses pertes éventuelles seront comblées par ses «actionnaires», les États membres de l'union monétaire européenne, et en premier lieu l'Allemagne.

Concernant le taux directeur, les économistes s'attendent à ce que la BCE le porte en juillet à 1,50%, poursuivant le resserrement monétaire entamé en avril après deux années d'une politique de crédit bon marché pour aider la zone euro à surmonter la crise.

«Malgré l'affaiblissement des données macro-économiques en mai (...) nous nous attendons à ce que le président Trichet laisse entendre une hausse (en juillet)», écrivent ainsi les analystes de Goldman Sachs.

La croissance au premier trimestre dans la zone euro, restée soutenue à 0,8%, l'y encourage tandis que l'inflation, en léger recul à 2,7% en mai contre 2,8% en avril, reste suffisamment préoccupante aux yeux de l'institution pour nécessiter des taux plus élevés.

«La fenêtre de tir sera difficilement meilleure» pour agir, note Carsten Brzeski de ING.

La BCE doit aussi actualiser ses prévisions de croissance et d'inflation pour 2011 et 2012. Les économistes s'attendent aussi à ce qu'elle annonce la poursuite de la mise à disposition de liquidités illimitées aux banques, dont certaines restent très dépendantes.