Les responsables européens affichent des divergences croissantes et au plus haut niveau sur l'opportunité d'en passer par l'option risquée d'une restructuration de dette pour résoudre la crise grecque, mettant à rude épreuve la cohésion de la zone euro.

Discret jusque là sur le sujet, le président de l'Union européenne, Herman Van Rompuy, est venu ajouter mardi à l'impression de cacophonie en mettant en garde contre toute forme de restructuration: version douce avec rééchelonnement ou option radicale avec non remboursement d'une partie de la dette.

«Il existe un vrai danger qu'une forme ou une autre de restructuration ou rééchelonnement de la dette aggrave la situation», a-t-il déclaré à Paris.

«Les risques d'échec de telles opérations sont grands par rapport aux avantages potentiels», a-t-il insisté, «c'est pourquoi l'accent doit continuer à porter sur la mise en oeuvre des réformes difficiles mais nécessaires» en Grèce.

Ce faisant, il a pris le contre-pied du chef de file des ministres des Finances de la zone euro, Jean-Claude Juncker, qui a brisé un tabou la semaine dernière en se disant ouvert, sous conditions, à une «restructuration douce» de la dette de la Grèce avec des délais prolongés de remboursement.

Une option que la Commission européenne et l'Allemagne n'excluent pas non plus pour les créanciers publics mais aussi les détenteurs privés de dette grecque, banques et fonds d'investissement. Sous réserve qu'au préalable Athènes accélère le programme promis de 50 milliards d'euros de privatisations - aucun actif public n'a été cédé à ce jour - et réforme son économie pour réduire déficit et dette.

Bruxelles a du reste salué mardi le plan de redressement présenté la veille par le gouvernement grec, prévoyant des privatisations immédiates, notamment dans les télécoms et la banque postale, ainsi qu'une rigueur renforcée.

Mais l'idée d'une restructuration suscite de fortes réserves en France. «La restructuration ou le rééchelonnement qui serait de nature à constituer une situation de défaut sont pour moi +off the table+, on n'en débat pas», a récemment dit à Bruxelles la ministre de l'Économie, Christine Lagarde.

L'Espagne et l'Italie la considèrent aussi d'un mauvais oeil. Ces deux pays redoutent une grave crise de confiance affectant toute la zone euro, qui les placerait à leur tour en première ligne face aux marchés financiers et mettrait en péril l'Union monétaire.

Ils l'ont fait savoir clairement à Athènes, lors d'une récente réunion secrète à Luxembourg des principaux pays de l'Union monétaire avec Athènes, demandant aux autorités grecques de redoubler d'efforts pour assainir ses comptes, selon des diplomates.

La Banque centrale européenne campe, elle aussi, sur son refus de toute restructuration.

L'un de ses membres, le gouverneur de la Banque de France Christian Noyer, a estimé mardi que ce serait «l'effondrement de l'économie grecque, c'est le scénario de l'horreur».

Quant à «l'allongement des maturités (délais de remboursement des obligations grecques), il pose des questions juridiques très compliquées, il y a de fortes chances pour que cela soit l'équivalent d'un défaut», a-t-il mis en garde.

Si la Grèce était considérée comme dans l'incapacité de rembourser son dû, elle devrait être concrètement maintenue sous perfusion financière pendant des années par la communauté internationale, à commencer par l'Europe, car elle ne pourrait plus emprunter sur les marchés.

Une restructuration de la dette grecque aurait des conséquences négatives, y compris pour d'autres pays européens, a prévenu à ce sujet l'agence de notation Moody's dans un rapport publié mardi.