Évoquée avec de plus en plus d'insistance, la candidature de Christine Lagarde à la direction générale du FMI s'appuie sur une solide expérience internationale, mais se heurte à un obstacle de taille, l'enquête dont elle pourrait faire l'objet dans l'affaire Tapie.

Signe des temps, le New York Times a fait jeudi de la ministre française de l'Économie «la favorite» pour la succession de «son ami et collègue» Dominique Strauss-Kahn à la tête du Fonds monétaire international (FMI), jamais encore conduit par une femme.

L'influent quotidien américain n'en mentionne pas moins l'affaire Tapie, épée de Damoclès sur une candidature encore hypothétique.

Christine Lagarde elle-même reste sur la réserve, visiblement soucieuse de ne pas apparaître comme celle qui voudrait tirer profit de la chute de «DSK», précipité dans une situation «accablante et douloureuse», selon ses propres termes.

La ministre a coupé court lundi à Bruxelles aux questions des journalistes sur son éventuelle ambition d'un laconique: «Je n'ai pas à répondre». Rebelote jeudi: «toute candidature, quelle qu'elle soit, devra émaner des Européens» rassemblés, a-t-elle simplement observé.

Arrêté samedi à New York, poursuivi pour tentative de viol et détenu à la prison de Rikers Island, dans le Bronx, «DSK» a démissionné jeudi «avec effet immédiat» de la direction du FMI.

Parmi les figures internationales évoquées pour sa succession, Mme Lagarde ne manque de soutiens ni en France ni à l'étranger.

Le secrétaire d'État aux Transports Thierry Mariani, premier membre du gouvernement français à s'exprimer ouvertement sur cette question, a estimé jeudi qu'elle ferait une «très bonne candidate».

À l'étranger, le ministre suédois des Finances Anders Borg a loué «l'influence et l'expérience» de la locataire de Bercy.

À 55 ans, Christine Lagarde peut mettre en avant son anglais impeccable, sa longue expérience américaine couronnée par la présidence du cabinet d'avocats d'affaires Baker & Mckenzie, et surtout son pilotage sans accroc à Bercy de la crise économique et financière et de la présidence française du G20.

Ses partisans souligneront aussi sa longévité dans un ministère qu'elle occupe depuis bientôt quatre ans et qui avait vu défiler avant elle sept ministres en autant d'années. Il vanteront la stature internationale de cette habituée du Forum économique mondial de Davos.

Le «mais» de l'histoire reste cependant sa gestion du règlement de la tentaculaire affaire Tapie/Crédit Lyonnais, susceptible d'empoisonner sa candidature.

En juillet 2008, un tribunal arbitral avait alloué la somme astronomique de 385 millions d'euros à Bernard Tapie, l'homme d'affaires et ancien ministre qui estimait avoir été spolié quinze ans plus tôt lors de la vente d'Adidas par le Crédit Lyonnais, alors banque publique.

La ministre est menacée d'une enquête pour abus d'autorité dans ce dossier depuis que des députés socialistes ont contesté son choix de recourir à cette juridiction privée plutôt qu'à la justice ordinaire.

Saisie par le procureur général près la Cour de cassation, Jean-Louis Nadal, la commission des requêtes de la Cour de justice de la République décidera dans les prochaines semaines d'ouvrir ou non une enquête visant Mme Lagarde.

«On essaie de me salir», se défend la ministre. N'empêche: une éventuelle procédure la visant se prolongerait vraisemblablement pendant de longs mois, ce qui pourrait bien sonner le glas d'une candidature au FMI.