Le patron du FMI Dominique Strauss-Kahn, accusé de crime sexuel et placé en détention provisoire à New York, affrontait une pression accrue mercredi, après les déclarations du secrétaire américain au Trésor mettant en doute sa capacité à diriger l'institution.

«Il n'est évidemment pas en mesure de diriger le FMI», a déclaré Timothy Geithner lors d'une conférence mardi soir, tandis que le chef de la diplomatie britannique William Hague estimait mercredi qu'il «devra prendre une décision sur son avenir».

«Je pense que Dominique Strauss-Kahn devra prendre une décision sur son avenir, mais il est évidemment dans une position très, très difficile», a déclaré M. Hague à la radio irlandaise RTE.

Cette question devrait être «réglée dans les jours qui viennent», a renchéri mercredi le chef du parti majoritaire UMP en France, Jean-François Copé.

Le Japon a toutefois estimé qu'il était trop tôt pour discuter du remplacement du directeur général du FMI. «Sur ce point, je crois qu'il est prématuré de même envisager» la question du remplacement de M. Strauss-Kahn, a déclaré le porte-parole du gouvernement, Yukio Edano.

«Nous sommes conscients du fait qu'il y a beaucoup de spéculations autour du statut du directeur général. Nous n'avons pas de commentaires sur ces spéculations», a affirmé mardi soir un porte-parole du FMI, William Murray, selon qui le Fonds n'a pas «eu de contact» avec lui depuis son arrestation.

M. Strauss-Kahn a été arrêté samedi à New York et est accusé de tentative de viol sur une femme de chambre dans un hôtel de Manhattan.

Il a été incarcéré à la prison de Rikers Island, à New York, en attendant sa prochaine comparution vendredi devant un juge new-yorkais.

Selon la chaîne américaine NBC, citant une source non identifiée, il a été placé par précaution sous surveillance antisuicide.

Interrogé par l'AFP à ce sujet, un porte-parole de l'administration pénitentiaire de New York a répondu dans un communiqué que «l'état de santé d'un détenu est confidentiel».

«L'administration pénitentiaire de la ville de New York observe les mêmes règles de sécurité et de santé pour tous les détenus», précise le document, sans se prononcer sur l'état psychique de Dominique Strauss-Kahn, dont les photos menottes aux poignets ont fait le tour du monde.

Une chambre d'accusation («grand jury») de 16 à 23 jurés populaires doit se réunir en secret et en l'absence d'un juge, pour entendre les éléments de preuve de l'accusation et décider d'une inculpation formelle ou non.

A ce jour, M. Strauss-Kahn nie les charges qui pèsent contre lui, selon ses avocats, qui comptent également faire appel de la décision de le placer en détention et de lui refuser la liberté sous caution.

Le patron du FMI été conduit lundi soir dans l'immense prison de Rikers Island, une île de l'East River, où il bénéficie d'une cellule individuelle, selon un porte-parole de l'administration pénitentiaire.

«Il n'est pas en contact avec les autres prisonniers», a précisé à l'AFP le porte-parole.

M. Strauss-Kahn, interpellé samedi, a été placé en détention par décision de la juge Melissa Jackson lundi, qui a refusé de le libérer sous caution d'un million de dollars, deux jours après son arrestation à l'aéroport Kennedy de New York.

La juge a évoqué un risque de fuite.

La défense de l'ancien ministre français a proposé en vain qu'il remette son passeport à la justice et qu'il s'engage à résider à New York chez sa fille.

L'épouse de M. Strauss-Kahn, l'ancienne journaliste Anne Sinclair, est arrivée lundi à New York, selon l'un des avocats de DSK, Benjamin Brafman.

L'affaire a ébranlé la classe politique française à un an de la présidentielle, où «DSK» faisait figure de favori, dans le cadre d'une éventuelle candidature socialiste.

DSK est visé par sept chefs d'accusation, dont acte sexuel criminel, tentative de viol et séquestration, à la suite des accusations d'une femme de chambre de 32 ans, employée de l'hôtel Sofitel de New York. L'acte sexuel criminel, qui recouvre une fellation forcée en droit américain, correspond en droit français à un viol. Le terme de viol ne recouvre en droit américain que la seule pénétration vaginale forcée.

Sortant de son silence, l'avocat de la victime présumée, Jeff Shapiro, a déclaré à la chaîne CNN que sa cliente vivait un traumatisme «extraordinaire».

«Le monde est sens dessus dessous pour elle», a déclaré Me Shapiro. «Depuis que c'est arrivé, elle n'a pas pu rentrer chez elle. Elle ne peut pas retourner travailler et elle n'a aucune idée de quoi l'avenir sera fait», a-t-il déclaré.

La victime présumée «n'arrêtait pas de pleurer» après les faits, a assuré de son côté mardi à l'AFP un restaurateur se présentant comme son frère. L'homme d'origine guinéenne, qui tient un petit restaurant dans le quartier de Harlem, affirme que sa soeur l'a appelé par téléphone samedi après-midi alors qu'elle était en compagnie de médecins et de policiers.

«Elle m'a dit: 'il vient de se passer quelque chose de grave'» a-t-il raconté.

La défense compte s'organiser notamment autour de l'emploi du temps du patron du FMI. Ses avocats assurent par exemple que celui-ci n'a pas voulu s'enfuir, mais qu'il a tranquillement déjeuné avec une personne dont l'identité n'est pas encore connue, avant de se rendre à l'aéroport où son vol pour Paris était déjà réservé.

Ils disent aussi qu'il a oublié à l'hôtel un de ses téléphones portables et a appelé le Sofitel pour qu'on le lui fasse porter, ce qu'il n'aurait pas fait s'il était en fuite.

Une autre ligne de défense possible, selon la presse new-yorkaise, serait la thèse de relations sexuelles consenties. Le New York Post et le New York Times citent une source «proche de la défense» affirmant que «le rapport peut avoir été consenti». «Les preuves médico-légales, selon nous, ne coïncident pas avec un rapport forcé», a dit lundi devant la cour Me Brafman.

Des prélèvements ADN supplémentaires ont été effectués dimanche sur M. Strauss-Kahn, pour éventuellement détecter des traces de violence.

S'il devait être condamné, le patron du FMI risque de 15 à 74 ans de prison pour l'ensemble des chefs d'accusation dont il fait l'objet.