Le chômage en Espagne a grimpé de près d'un point au premier trimestre, à 21,29%, son plus haut niveau depuis début 1997, selon les chiffres officiels publiés vendredi, le jour même où le gouvernement a approuvé un nouveau plan contre le travail au noir.

À fin mars, le pays s'approchait du chiffre symbolique des 5 millions de chômeurs, avec 4,91 millions de demandeurs d'emploi, a annoncé l'Institut national de la statistique (Ine).

Avec un taux de 21,29% contre 20,33% fin décembre, le chômage égale presque le niveau du premier trimestre 1997 (21,30%) et reste le plus élevé parmi les pays de l'OCDE.

Quelques heures après la publication de ce chiffre, le Conseil des ministres a approuvé un plan pour lutter contre l'économie souterraine, qui représenterait près du quart du PIB du pays et quelques millions d'emplois non déclarés.

Une étude publiée début mars par la Fondation des caisses d'épargne espagnoles (Funcas) chiffrait le travail au noir à 17% du PIB et 4 millions d'emplois.

Le syndicat des techniciens du ministère du Budget (Gestha) l'estime à 23,3% du PIB, soit quelque 245 milliards d'euros, et une troisième étude, publiée fin 2010 par Visa Europe, faisait un calcul similaire, évaluant l'économie souterraine à 205 milliards d'euros en 2009, soit 20% du PIB espagnol.

«La taille de l'économie souterraine en Espagne est parmi les plus élevées en OCDE, avec le Portugal, la Grèce et l'Italie», indique Javier Diaz-Gimenez, économiste à l'IESE Business School, qui l'explique par la faiblesse des contrôles et sanctions, combinée à des coûts du travail élevés, susceptibles d'inciter à l'illégalité.

«Clairement, avec tant d'économie souterraine, tous les chiffres (officiels, ndlr) sont falsifiés», remarque-t-il, ce qui «peut enlever 2, 3 ou 4 points au taux de chômage».

«Le taux de chômage réel n'est sûrement pas de 20%», renchérit Carlos Sebastian, professeur d'économie à l'Université Complutense de Madrid. «Moi je dirais qu'il est entre 10 et 15%», avance-t-il, citant les trois secteurs propices au travail au noir: la construction, particulièrement importante en Espagne, les services et l'agriculture.

Cela pourrait expliquer l'absence de protestation sociale majeure, alors que 1,39 million de foyers espagnols comptent officiellement tous leurs membres au chômage.

Difficile de connaître l'impact exact de l'économie souterraine sur le taux de chômage, car des personnes travaillant au noir peuvent tout aussi bien se déclarer comme travailleurs légaux (ce qui peut être vrai, s'ils cumulent activités légale et illégale), demandeurs d'emploi ou inactifs.

Deux effets sont avérés: «moins de recettes fiscales» pour l'État et «une sous-valorisation du PIB», souligne Carlos Sebastian.

Des conséquences préjudiciables pour l'économie espagnole, qui peine à se relever de la crise, avec une croissance atone (-0,1% en 2010), engagée dans la réduction des déficits publics, visant 6% en 2011 contre 9,2% en 2010.

Le plan incitera les entreprises contrevenantes à revenir dans le droit chemin, mais, contrairement aux deux précédents plans de 1984 et 1991, «il n'y aura pas d'amnisties», a assuré le ministre du Travail Valeriano Gomez: «pendant trois mois, jusqu'au 31 juillet, les sanctions resteront les mêmes, après elles se durciront de manière très significative».

Certaines amendes seront multipliées par cinq, a-t-il détaillé, précisant que les entreprises régularisant volontairement leur situation n'auront à payer leur dû qu'à partir de la date de régularisation et non sur les périodes antérieures, mais ne bénéficieront des droits associés (aides publiques, par exemple) qu'à partir de cette date.