Etouffés par des années d'interdictions, les Cubains vont respirer un peu: ils vont pouvoir acheter une voiture, vendre leur appartement ou encore obtenir un simple crédit bancaire, grâce aux réformes adoptées mardi par le Parti communiste de Cuba (PCC).

«Raul avance pas à pas, mais à bon rythme», glisse Julio Gonzalez, 37 ans, bagagiste dans la vieille ville de La Havane, à propos du président Raul Castro qui s'efforce de promouvoir une grande réforme économique depuis qu'il a succédé à son frère Fidel en 2006.

«Avec la vente des voitures et des logements, les gens vont pouvoir avoir un peu d'argent et l'investir dans leurs affaires», explique Julio en se rappelant que depuis 2006, Raul Castro a mis fin à des «interdictions absurdes» comme celles qui empêchaient les Cubains d'aller à l'hôtel, de louer une voiture ou d'acheter certains équipements électro-ménagers.

Près de 90% des Cubains sont propriétaires de leurs logements pour lesquels ils ne payent pas d'impôts, mais la loi leur interdit de les vendre. Seuls les échanges sont possibles, ce qui donne lieu à de nombreuses transactions qui flirtent avec l'illégalité et impliquent souvent de fortes sommes d'argent.

Mais les Cubains restent prudents. Le gouvernement et le parlement doivent encore passer en revue les dispositions légales précises de ces transactions: «à Cuba, rien n'est facile», répètent-ils souvent.

Pour les véhicules, seuls peuvent être achetées les voitures vendues par les services de l'Etat. Avec des dérogations toujours possibles dans le cas de certains Cubains qui disposent d'argent et peuvent justifier du besoin de disposer de véhicules.

Les vieilles «américaines» qui font le bonheur des touristes sont également en vente libre, si elles datent d'avant le régime mis en place par la révolution du Fidel Castro en 1959.

«Aujourd'hui, je connais beaucoup de gens qui vont être très heureux, parce que cela fait des années qu'ils ont de l'argent à dépenser, mais rien à acheter», commente Freddy Muguercia, un chauffeur de taxi de 40 ans, qui conduit une vieille américaine recomposée avec un moteur de l'ère soviétique.

Avec le commerce des logements, le gouvernement cherche à faire face à une crise endémique en raison de l'absence de programmes de construction. Crise encore renforcée par les cyclones de 2008 qui ont détruit un demi-million de logements.

Depuis avril 2010, les autorités ont autorisé les Cubains à construire leurs maisons, mais ont parallèlement coupé les subventions aux matériaux de construction, les rendant hors de prix pour un salaire mensuel moyen de l'ordre de 15 euros.

Le congrès du Parti communiste qui s'est achevé mardi a également donné son feu vert à d'autres mesures qui vont influer directement sur la vie quotidienne des Cubains: l'octroi de crédits bancaires aux travailleurs indépendants et aux cultivateurs, et l'augmentation des surfaces de terres cultivables en friche qui sont distribuées aux particuliers.

«Pour un cuentapropista (travailleur indépendant) qui débute, c'est important de disposer d'un petit capital pour investir», explique Miriam Blanco, une vendeuse ambulante de pâtisseries de 51 ans.

Les crédits bancaires seront particulièrement destinés à ces «cuentapropistas» ainsi qu'à ceux qui ont reçu des terres en usufruit et ont besoin d'investir pour démarrer leur exploitation.

«Si le congrès a approuvé les réformes, c'est du solide», se réjouit Miriam Blanco qui sait que l'on peut parfois compter davantage sur ce que le parti communiste décide que sur les lois votées par le parlement.